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Simenon, Georges - La guinguette à deux sous

На электронном книжном портале my-library.info можно читать бесплатно книги онлайн без регистрации, в том числе Simenon, Georges - La guinguette à deux sous. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. В онлайн доступе вы получите полную версию книги с кратким содержанием для ознакомления, сможете читать аннотацию к книге (предисловие), увидеть рецензии тех, кто произведение уже прочитал и их экспертное мнение о прочитанном.
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La guinguette à deux sous
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16 октябрь 2019
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Simenon, Georges - La guinguette à deux sous

Simenon, Georges - La guinguette à deux sous краткое содержание

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Une fin d'après-midi radieuse. Un soleil presque sirupeux dans les rues paisibles de la Rive Gauche. Et partout, sur les visages, dans les mille bruits familiers de la rue, de la joie de vivre. Il y a des jours ainsi, où l'existence est moins quotidienne et où les passants, sur les trottoirs, les tramways et les autos semblent jouer leur rôle dans une féerie. C'était le 27 juin. Quand Maigret arriva à la poterne de la Santé, le factionnaire attendri regardait un petit chat blanc qui jouait avec le chien de la crémière. Il doit y avoir des jours aussi où les pavés sont plus sonores. Les pas de Maigret résonnèrent dans la cour immense. Au bout d'un couloir, il interrogea un gardien. - Il a appris ?... - Pas encore. Un tour de clef. Un verrou. Une cellule très haute, très propre, et un homme qui se levait tandis que son visage semblait chercher une expression. - Ça va, Lenoir ? questionna le commissaire.





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La guinguette à deux sous - читать книгу онлайн бесплатно, автор Simenon

La première maison à gauche était un bistrot de chauffeurs.

— Il n’y a que celui-ci dans le quartier…

Une lumière trouble autour du zinc. Quatre joueurs de cartes dans le fond.

— Tiens ! monsieur James, lança le patron en se levant. Comme toujours ?

Il saisissait déjà la bouteille de fine.

— Et pour vous ce sera ?…

— La même chose…

Les coudes sur le zinc, James questionnait :

— Vous êtes allé à la Taverne Royale ?… Je le pensais bien… Moi, je n’ai pas pu…

— À cause des trois cent mille francs…

Il ne manifesta aucune surprise, aucune gêne.

— Qu’est-ce que vous auriez fait à ma place ?… Basso est un copain… On a pris cent fois la cuite ensemble… À votre santé !

— Je vous laisse la bouteille ! dit le patron, qui devait avoir l’habitude et qui avait hâte de continuer sa partie de cartes.

Et James continuait sans entendre :

— Au fond, il n’a pas eu de chance… Une femme comme Mado !… À propos, est-ce que vous l’avez revue ?… Elle est venue à mon bureau, tout à l’heure, me demander si je savais où est Marcel… Vous imaginez cela, vous ?… C’est comme l’autre, avec son auto… Un copain aussi, pourtant !… Eh bien ! il m’a téléphoné pour me dire qu’il serait forcé de me réclamer le prix de la réparation et une indemnité pour l’immobilisation de la voiture… À ta santé !… Qu’est-ce que tu penses de ma femme ?… Elle est gentille, pas vrai ?…

Et James se versait un deuxième verre.


VII


Le brocanteur

Il se passait chez James un phénomène curieux qui intéressa Maigret. À mesure qu’il buvait, son regard, au lieu de devenir plus trouble, comme c’est le cas de la plupart des gens, s’aiguisait, au contraire, arrivait à être tout pointu, d’une pénétration, d’une finesse inattendues.

Sa main ne lâchait le verre que pour le remplir. La voix était molle, hésitante, sans conviction. Il ne regardait personne en particulier. Il semblait s’enfoncer dans l’atmosphère, s’y blottir.

Les joueurs de cartes n’échangeaient que quelques mots, au fond de la pièce. Le comptoir d’étain jetait des reflets troubles.

Et trouble était James, qui soupirait :

— C’est drôle… Un homme comme vous, fort, intelligent… Et d’autres, ailleurs !… Des gendarmes avec des uniformes… Des juges… Des tas de gens… Combien y en a-t-il sur pied ?… Peut-être cent, avec des greffiers qui copient les procès-verbaux, les téléphonistes qui transmettent les ordres… Peut-être cent à travailler des jours et des nuits parce que Feinstein a reçu une toute petite balle dans la peau…

Il fixa Maigret un instant, et le commissaire fut incapable de deviner si James faisait de l’ironie transcendante ou s’il était sincère.

— À ta santé ?… Ça vaut bien la peine, n’est-ce pas ?… Et pendant ce temps-là, ce pauvre bougre de Basso est traqué… La semaine dernière, il était riche… Il avait une grosse affaire, une auto, une femme, un fils… Maintenant, il ne peut pas seulement sortir de son trou…

Et James haussait les épaules. Sa voix devenait plus traînante. Il regardait autour de lui avec lassitude ou dégoût.

— Qu’est-ce qu’il y a dans le fond de tout ça ?… Une femme comme Mado, qui a besoin d’hommes… Basso s’y laisse prendre… On repousse rarement des occasions pareilles, pas vrai ?… Elle est belle fille… Elle a du tempérament… On se dit que ce n’est pas bien grave… On donne un rendez-vous et on va passer de temps en temps une heure ou deux dans une garçonnière.

James avala une grande gorgée, cracha par terre.

— Est-ce bête !… Résultat : un mort et toute une famille qui est fichue !… Et toute la machine sociale qui se met en mouvement ! Les journaux qui s’en occupent…

Le plus curieux, c’est qu’il parlait sans véhémence. Il laissait tomber les mots paresseusement et son regard errait sur le décor sans s’arrêter à un objet.

— Et encore atout ! disait triomphalement le patron derrière lui.

— Et Feinstein qui a passé toute sa vie à courir après de l’argent, à essayer de faire face à ses échéances !… Car il n’a jamais fait que ça !… Un cauchemar continu de traites et de billets à ordre… Au point de s’adresser avec une insistance significative, aux amants de sa femme… Il est bien avancé, maintenant qu’il est mort !…

— Qu’il a été tué ! rectifia rêveusement Maigret.

— Est-ce qu’on pourrait déterminer lequel des deux a tué l’autre ?

L’atmosphère devenait plus trouble autour d’eux. Les paroles de James, son visage empourpré y mettaient comme une sourde morbidesse.

— C’est idiot ! Je vois si bien ce qui s’est passé ! Feinstein, qui avait besoin d’argent, qui épiait Basso depuis la veille au soir en attendant le moment propice… Même pendant la fausse noce, quand il était habillé en vieille femme, il pensait à ses traites !… Il regardait Basso qui dansait avec sa femme… Vous comprenez ?… Alors, le lendemain, il parle… Basso, qui a déjà été tapé, refuse… L’autre insiste… Il pleurniche… La misère !… Le déshonneur !… Plutôt le suicide… Je vous jure que ça a dû être une comédie dans ce genre-là… Tout ça par un beau dimanche avec des canoës sur la Seine !…

« Ah ! c’est malin… Feinstein doit avoir laissé entendre qu’il n’était pas si aveugle qu’il en avait l’air…

« Bref, ils sont tous les deux derrière le hangar… De l’autre côté de l’eau, Basso a sa villa, sa femme, son gamin… Il veut faire taire l’autre… Il veut l’empêcher de tirer… Ils sont énervés…

« Et c’est tout ! Une balle est partie d’un tout petit revolver.

James regarda enfin Maigret.

— Je vous le demande, hein, qu’est-ce que ça peut bien f… ?

Il rit ! Un rire de mépris !

— Et voilà des centaines de gens qui courent en tous sens comme les fourmis d’une fourmilière où on a mis le feu ! Et les Basso traqués… Et le plus beau : Mado qui se démène, qui ne se résigne pas à perdre son amant !… Patron !…

Le patron déposa ses cartes à regret.

— Qu’est-ce que je vous dois ?

— En somme, dit Maigret, Basso dispose maintenant de trois cent mille francs…

James se contenta de hausser les épaules avec l’air de dire à nouveau : « Qu’est-ce que cela peut bien f… ? »

Et soudain :

— Tenez ! je me souviens de la façon dont ça a commencé… C’était un dimanche… On dansait dans le jardin de la villa… Basso dansait avec Mme Feinstein et, à certain moment, quelqu’un les a bousculés et ils sont tombés par terre, dans les bras l’un de l’autre… Tout le monde a ri, même Feinstein…

James reprenait sa monnaie, hésitait à s’en aller, soupirait, résigné :

— Encore un verre, patron !

Il en avait bu six et il n’était pas ivre. Il devait seulement avoir la tête lourde. Il fronçait les sourcils, se passait la main sur le front.

— Vous, vous allez vous remettre en chasse…

Il semblait plaindre Maigret.

— Trois pauvres bougres : un homme, une femme et un gosse, que tout le monde harcèle parce qu’un beau jour l’homme a couché avec Mado…

Était-ce sa voix, sa silhouette, l’ambiance ? En tout cas, il se créait peu à peu une véritable obsession et Maigret avait toutes les peines du monde à voir à nouveau les événements sous un autre angle.

— À ta santé, va !… Il faut que je remonte, car ma femme serait bien capable de m’envoyer une balle de revolver aussi… C’est idiot ! Idiot !…

Il ouvrit la porte d’un geste las. Sur le trottoir mal éclairé, il regarda Maigret dans les yeux, articula :

— Drôle de métier !

— Le métier de policier ?

— Et aussi celui d’homme… Ma femme va fouiller mes poches, compter la monnaie pour savoir combien de verres j’ai bus… Au revoir… Taverne Royale, demain ?…

Et Maigret resta seul avec son malaise, qu’il mit longtemps à dissiper. C’était un décalage complet de toutes les idées, un renversement de toutes les valeurs. La rue en était déformée, et les gens qui passaient, et le tramway qui s’étirait comme un ver luisant.

Tout cela prenait les proportions de la fourmilière dont James avait parlé. Une fourmilière en effervescence parce qu’une fourmi était morte !

Le commissaire revoyait le corps du chemisier, là-bas, dans les hautes herbes, derrière la guinguette à deux sous ! Puis tous les gendarmes, sur toutes les routes, arrêtant toutes les autos ! La fourmilière en révolution !

— Bougre d’ivrogne ! grommela-t-il en pensant à James avec une rancune non dénuée d’affection.

Et il faisait un effort pour voir à nouveau les événements avec objectivité. Il en avait oublié ce qu’il était venu faire rue Championnet.

— Essayer de savoir où James était allé avec les trois cent mille francs…

Mais alors il évoquait les trois Basso, le père, la mère, le gosse, tapis quelque part et guettant les bruits du monde extérieur avec effroi.

— L’imbécile me fait chaque fois boire !

Il n’était pas ivre, mais il ne se sentait pas non plus dans son assiette et il se coucha de mauvaise humeur, avec la crainte de se réveiller le lendemain en proie à un solide mal de tête.

« Il faut bien que j’aie mon coin à moi ! » disait James en parlant de la Taverne Royale.

Il avait non seulement son coin à lui, mais son monde à lui, qu’il créait de toutes pièces, à coups de pernod ou de fine, et dans lequel il évoluait, impassible, indifférent aux choses réelles.

Un monde un peu flou, un grouillement de fourmilière, d’ombres inconsistantes où rien n’avait d’importance, où rien ne servait de rien, et où l’on marchait sans but, sans effort, sans joie, sans tristesse, dans un brouillard cotonneux.

Un monde où, sans en avoir l’air, James avec sa tête de clown et sa voix indifférente avait fait peu à peu pénétrer Maigret.

Au point que le commissaire rêva des trois Basso, le père, la mère et le fils, qui collaient leur tête au soupirail de la cave où ils étaient cachés en épiant avec effroi les allées et venues du dehors.

Quand il se leva, il ressentit plus que jamais l’absence de sa femme, qui était toujours en vacances, et dont le facteur apporta une carte postale.

Nous commençons les confitures d’abricots. Quand viendras-tu les manger ?

Il s’assit pesamment devant son bureau, fit crouler la pile de lettres qui l’attendait, cria « Entrez ! » au garçon de bureau qui frappait à la porte.

— Qu’est-ce que c’est, Jean ?

— Le brigadier Lucas a téléphoné pour vous demander de passer rue des Blancs-Manteaux…

— À quelle adresse ?

— Il n’a pas précisé. Il a dit rue des Blancs-Manteaux.

Maigret s’assura qu’il n’y avait rien d’urgent au courrier, gagna à pied le quartier juif dont la rue des Blancs-Manteaux est l’artère la plus commerçante, groupant la plupart des brocanteurs à l’ombre du Mont-de-Piété.

Il était huit heures trente du matin. Tout était calme. Au coin de la rue, Maigret aperçut Lucas qui faisait les cent pas, les deux mains dans les poches.

— Et notre homme ? s’inquiéta-t-il.

Car Lucas avait été chargé de suivre Victor Gaillard lorsque, la veille au soir, celui-ci avait été relâché.

D’un mouvement du menton, le brigadier désigna une silhouette debout devant une vitrine.

— Qu’est-ce qu’il fait là ?

— Je n’en sais rien. Hier, il a commencé par rôder autour des Halles. Il a fini par se coucher sur un banc, où il s’est endormi. À cinq heures du matin, un sergent de ville l’a fait circuler et il est venu ici presque immédiatement… Depuis lors, il tourne autour de cette maison, s’éloigne, revient, colle son visage à la vitrine avec l’intention évidente de m’intéresser à son manège…

Victor, qui avait aperçu Maigret, faisait quelques pas, les mains dans les poches, en sifflotant d’un air ironique. Puis il avisa un seuil sur lequel il s’assit en homme qui n’a rien de mieux à faire.

Sur la vitrine on lisait : Hans Goldberg, achats, ventes, occasions en tous genres.

Et, dans le clair-obscur, on apercevait un petit homme à barbiche qui semblait inquiet des mouvements anormaux du dehors.

— Attends-moi ! dit Maigret.

Il traversa la rue, entra dans la boutique, qui était encombrée de vieux vêtements, d’objets disparates d’où se dégageait une odeur écœurante.

— Vous désirez acheter quelque chose ? questionna le petit juif sans conviction.

Au fond de la boutique, il y avait une porte vitrée et, derrière, une pièce où une femme obèse était occupée à laver le visage d’un gamin de deux à trois ans. La cuvette était sur la table de la cuisine, à côté des tasses et du beurrier.

— Police ! dit Maigret.

— Je m’en doutais…

— Vous connaissez l’individu qui rôde devant chez vous depuis ce matin ?

— Le grand maigre qui tousse ?… Je ne l’ai jamais vu… Tout à l’heure, inquiet, j’ai appelé ma femme, mais elle ne le connaît pas non plus… Ce n’est pas un Israélite…

— Et celui-ci, le connaissez-vous ?

Maigret tendit une photographie de Marcel Basso, que l’autre examina avec attention.

— Ce n’est pas un israélite non plus ! dit-il.

— Et celui-ci ?

Cette fois, c’était un portrait de Feinstein.

— Oui !

— Vous le connaissez ?

— Non ! Mais il est de ma race…

— Vous ne l’avez jamais vu ?

— Jamais… Nous sortons si peu !…

Sa femme lançait de fréquents regards à travers les vitres, sortait un second enfant d’un berceau, et celui-ci se mettait à hurler parce qu’on le débarbouillait.

Le brocanteur paraissait assez sûr de lui. Il se frottait lentement les mains l’une contre l’autre en attendant les questions du commissaire et il regardait autour de lui avec la satisfaction d’un commerçant qui n’a rien à se reprocher.

— Il y a longtemps que vous êtes installé ici ?

— Un peu plus de cinq ans… La maison est déjà très connue, car elle ne fait que du travail honnête…

— Et avant vous ? questionna Maigret.

— Vous ne savez pas ?… C’était le père Ulrich, celui qui a disparu…

Le commissaire eut un soupir de satisfaction. Il pressentait enfin quelque chose.

— Le père Ulrich était brocanteur ?

— Vous devez avoir, à la police, de meilleurs renseignements que moi… Moi, n’est-ce pas, je ne peux rien vous dire de précis… Dans le quartier, on disait qu’il ne se contentait pas de vendre et d’acheter, mais qu’il prêtait de l’argent…

— Un usurier ?

— J’ignore à quel taux il le prêtait… Il vivait tout seul… Il ne voulait pas de commis… Il ouvrait et fermait lui-même ses volets… Un jour, il a disparu et la maison est restée fermée pendant six mois… C’est moi qui l’ai reprise… Et je lui ai donné une autre réputation, vous devez le savoir…


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