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Федор Тютчев - Том 3. Публицистические произведения

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Том 3. Публицистические произведения
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-
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18 сентябрь 2019
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Федор Тютчев - Том 3. Публицистические произведения

Федор Тютчев - Том 3. Публицистические произведения краткое содержание

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В третий том Полного собрания сочинений Ф. И. Тютчева включены публицистические произведения, написанные на французском языке, и их переводы, а также комментарии к ним.http://rulitera.narod.ru

Том 3. Публицистические произведения читать онлайн бесплатно

Том 3. Публицистические произведения - читать книгу онлайн бесплатно, автор Федор Тютчев

Voilà pour la question purement religieuse dans ces différends avec Rome. Maintenant si on en venait à apprécier l’action politique que Rome a exercée sur les différents états de l’Europe

Occidentale, bien qu’elle nous touchât de moins près, quelle terrible accusation n’aurait-on pas à faire peser sur elle! —

N’est-ce pas Rome, n’est-ce pas la politique ultramontaine qui a désorganisé, déchiré l’Allemagne, qui a tué l’Italie? L’Allemagne, elle l’a désorganisée en y minant le pouvoir impérial; elle l’a déchirée en y provoquant la réformation. Quant à l’Italie, la politique de Rome l’a tuée en empêchant par tous les moyens et à toutes les époques l’établissement dans ce pays d’une autorité souveraine, légitime et nationale. Ce fait a déjà été signalé il y a plus de trois siècles par le plus grand des historiens de l’Italie moderne.

Et en France, pour ne parler que des temps les plus rapprochés de nous, n’est-ce pas l’influence ultramontaine qui a écrasé, qui a éteint ce qu’il y avait de plus pur, de plus vraiment chrétien dans l’Eglise gallicane? N’est-ce pas Rome qui a détruit le Port-Royal et qui après avoir désarmé le Christianisme de ses plus nobles défenseurs, l’a pour ainsi dire livré par les mains des Jésuites aux attaques de la Philosophie du dix-huitième siècle? Tout ceci, hélas, c’est de l’Histoire, et de l’Histoire contemporaine.

Maintenant pour ce qui nous concerne personnellement, lors même que nous passerions sous silence nos propres injures, l’histoire de nos malheurs au dix-septième siècle, comment pouvons-nous taire ce que la politique de cette cour a été, pour ces peuples qu’une fraternité de race et de langue rattache à la Russie et que la fatalité en a séparés. On peut dire avec toute justice que si l’Eglise latine par ses abus et ses excès a été funeste à d’autres pays, elle a été par principe l’ennemie personnelle de la race Slave. La conquête allemande elle-même n’a été qu’une arme, qu’un glaive docile entre ses mains. C’est Rome qui en a dirigé et assuré les coups. Partout où Rome a mis le pied parmi les peuples slaves, elle a engagé une guerre à mort contre leur nationalité. Elle l’a anéantie ou elle l’a dénaturée. Elle a dénationalisé la Bohême et démoralisé la Pologne; elle en aurait fait autant de toute la race si elle n’avait pas rencontré la Russie sur son chemin. De là la haine implacable qu’elle nous a vouée. Rome comprend que dans tout pays slave où la nationalité de la race n’est pas encore tout à fait morte, la Russie par sa seule présence, par le seul fait de son existence politique l’empêchera de mourir et que partout où cette nationalité tendrait à renaître, elle ferait courir de terribles chances à l’établissement Romain. Voilà où nous en sommes vis-à-vis de la cour de Rome. Voilà le bilan exact de notre situation respective. Eh bien, est-ce avec de pareils antécédents historiques que nous craindrions d’accepter le défi qu’elle pourrait nous jeter? Comme Eglise nous avons à lui demander compte au nom de l’Eglise universelle de ce dépôt de la foi, dont elle a cherché à s’attribuer la possession exclusive même au prix d’un schisme. Comme puissance politique, nous avons pour alliée contre elle l’histoire de son passé, les rancunes de la moitié de l’Europe et les trop justes griefs de notre propre race.

Quelques-uns s’imaginent que la réaction religieuse dont l’Europe est en ce moment travaillée pouvait tourner au profit exclusif de l’Eglise latine; c’est selon moi une grande illusion. Il y aura, je le sais bien, dans l’Eglise Protestante beaucoup de conversions partielles, jamais une conversion générale. Ce qui a survécu du principe catholique dans l’Eglise latine, attirera toujours tous ceux parmi les protestants qui, fatigués des fluctuations de la réforme, aspirent à rentrer au port, à se replacer sous la loi de l’autorité catholique, mais les souvenirs de la cour de la Rome, mais l’ultramontanisme enfin, les repoussent éternellement.

Le mot historiquement si vrai sur l’Eglise latine est aussi le mot de la situation actuelle.

Le catholicisme a de tout temps fait toute la force du Papisme, comme le Papisme fait toute la faiblesse du catholicisme.

La force sans faiblesse n’est que dans l’Eglise universelle. Qu’elle se montre, qu’elle intervienne dans le débat et l’on verra de nos jours ce qu’on a déjà vu dans les tous premiers jours de la réformation, alors que les chefs de ce mouvement religieux qui avaient déjà rompu avec le siège de Rome, mais qui hésitaient encore à rompre avec les traditions de l’Eglise Catholique, en appelaient unanimement à l’Eglise d’Orient. Maintenant comme alors la réconciliation religieuse ne peut venir que d’elle; elle porte dans son sein l’avenir chrétien.

Telle est la première, la plus haute question que nous ayons à débattre avec l’Europe Occidentale, c’est la question vitale par excellence.

Il y en a une autre bien grave aussi; c’est celle que l’on appelle communément la question d’Orient; c’est la question de l’Empire.

Ici, il ne s’agit pas de diplomatie; on sait trop bien que tant que durera le Statu quo, la Russie plus qu’aucune autre puissance respectera les traités. Mais les traités, mais la diplomatie ne règlent après tout que les choses du jour. Les intérêts permanents, les rapports éternels c’est l’histoire seule qui en connaît. Or que nous dit l’histoire?

Elle nous dit que l’Orient orthodoxe, tout ce monde immense qui relève de la croix grecque, est un dans son principe, étroitement solidaire dans toutes ses parties, vivant de sa vie propre, originale, indestructible. Il peut être matériellement fractionné, moralement il sera toujours un et indivisible. Il a subi momentanément la domination latine, il a subi pendant des siècles l’invasion des races asiatiques, il n’a jamais accepté ni l’une ni l’autre.

Il y a parmi les Chrétiens de l’Orient un dicton populaire qui exprime naïvement ce fait; ils ont l’habitude de dire, que tout dans la création de Dieu est bien fait, bien ordonné, deux choses exceptées, et ces deux choses sont: le Pape et le Turc.

— Mais Dieu, — ont-ils soin d’ajouter, — a voulu dans sa sagesse infinie rectifier ces deux erreurs et c’est pour cela qu’il crée le Czar moscovite.

Nul traité, nulle combinaison politique ne prévaudra jamais contre ce simple dicton populaire. C’est le résumé de tout le passé et la révélation de tout un avenir.

— En effet, quoiqu’on fasse ou qu’on s’imagine, pourvu que la Russie reste ce qu’elle est, l’empereur de Russie sera nécessairement, irrésistiblement le seul souverain légitime de l’Orient orthodoxe, sous quelque forme d’ailleurs qu’il juge convenable d’exercer cette souveraineté. Faites ce que vous voudrez, mais encore une fois, à moins que vous n’ayez détruit la Russie, vous n’empêcherez jamais ce fait de se produire.

Qui ne voit que l’Occident avec toute sa philantropie, avec son prétendu respect pour le droit des nationalités et tout en se déchaînant contre l’ambition insatiable de la Russie, ne voit dans

les populations qui habitent la Turquie qu’une seule chose: une proie à dépecer.

Il voudrait tout bonnement recommencer au dix-neuvième siècle ce qu’ il avait essayé de faire au treizième et ce qui déjà alors lui avait si mal réussi. C’est la même tentative sous d’autres noms et au moyen de procédés un peu différents. C’est toujours cette ancienne, cette incurable prétention de fonder dans l’Orient orthodoxe un Empire latin, de faire de ces pays une annexe, une dépendance de l’Europe occidentale.

Il est vrai que pour arriver à ce résultat, il faudrait commencer par éteindre dans ces populations tout ce qui jusqu’à présent a constitué leur vie morale, par détruire en elles ce que les Turcs eux-mêmes ont épargné. Mais ce n’est pas là une considération qui pouvait arrêter un seul instant le prosélitisme occidental, persuadé qu’il est que toute société qui n’est pas exactement faite à l’image de celle de l’Occident n’est pas digne de vivre, et fort de cette conviction il se mettrait bravement à l’œuvre pour délivrer ces populations de leur nationalité comme d’un reste de barbarie.

Mais cette Providence historique qui est au fond des choses humaines y a heureusement pourvu. Déjà au treizième siècle l’Empire d’Orient, tout mutilé, tout énervé qu’il était, a trouvé en lui-même assez de vie pour rejeter de son sein la domination latine après soixante et quelques années d’une existence contestée; et certes il faut convenir que depuis lors le véritable Empire d’Orient, l’Empire orthodoxe, s’est grandement relevé de sa déchéance.

C’est ici une question sur laquelle la science occidentale malgré ses prétentions à l’infaillibilité a toujours été en défaut. L’Empire d’Orient est constamment resté une énigme pour elle; elle a bien pu le calomnier, elle ne l’a jamais compris. Elle a traité l’Empire d’Orient comme Monsieur de Custine vient de traiter la Russie, après l’avoir étudié à travers sa haine doublée de son ignorance. On n’a su jusqu’à présent se rendre un compte vrai ni du principe de vie qui a assuré à l’Empire d’Orient ses mille ans d’existence, ni de la circonstance fatale qui a fait que cette vie si tenace a toujours été contestée et à quelques égards si débile.

Ici, pour rendre ma pensée avec une précision suffisante, je devrais entrer dans des développements historiques que ne comportent point les bornes de cette notice. Mais telle est l’analogie réelle, telle est l’affinité intime et profonde qui rattache la Russie à ce glorieux antécédent de l’Empire d’Orient, qu’à défaut d’études historiques assez approfondies il suffit à chacun de nous de consulter ses impressions les plus habituelles et pour ainsi dire les plus élémentaires, pour comprendre d’instinct ce que c’était que ce principe de vie, cette âme puissante qui pendant mille ans a fait vivre et durer ce corps si frêle de l’Empire d’Orient. Cette âme, ce principe, c’était le Christianisme, c’était l’élément Chrétien tel que l’avait formulé l’Eglise d’Orient, combiné ou pour mieux dire identifié non seulement avec l’élément national de l’état, mais encore avec la vie intime de la société. Des combinaisons analogues ont été tentées, ont été accomplies ailleurs, mais elles n’ont eu nulle part ce caractère profond et original. Ici, ce n’était pas simplement une Eglise se faisant nationale dans l’acception ordinaire du mot comme cela s’est vu ailleurs, c’était l’Eglise se faisant la forme essentielle, l’expression suprême d’une nationalité déterminée, de la nationalité de toute une race, de tout un monde. Voilà aussi, soit dit en passant, comment il a pu se faire que plus tard cette même Eglise d’Orient est devenue comme le synonyme de la Russie, l’autre nom, le nom sacré de l’Empire, triomphante partout où elle règne, militante partout où la Russie n’a pas encore fait pleinement reconnaître sa domination. En un mot si intimement associée à ses destinées qu’il est vrai de dire qu’à des degrés divers il y a de la Russie partout où se rencontre l’Eglise orthodoxe.

Quant à l’ancien, à ce premier Empire d’Orient, la circonstance fatale qui a pesé sur ses destinées, c’est qu’il n’a jamais pu mettre en œuvre qu’une portion minime de la race sur laquelle il aurait dû principalement s’appuyer. Il n’a occupé que la lisière du monde que la Providence tenait en réserve pour lui; c’est le corps cette fois qui a manqué à l’âme. Voilà pourquoi cet Empire, malgré la grandeur de son principe, est constamment resté à l’état de l’ébauche, pourquoi il n’a pu opposer à la longue une résistance efficace aux ennemis qui l’enveloppaient de toutes parts. Son assiette territoriale a toujours manqué de base et de profondeur, c’était, pour tout dire, une tête séparée de son tronc. Aussi, par une de ces combinaisons Providentielles qui sont en même temps profondément naturelles et historiques, c’est le lendemain du jour où l’Empire d’Orient a paru définitivement succomber sous les coups de la destinée qu’il a en réalité pris possession de son existence définitive. Constantinople tombait aux mains des Turcs en 1453 et neuf ans après, en 1462, le grand Ivan III arrivait au trône de Moscou.

Qu’on ne s’éffarouche pas de grâce de toutes ces généralités historiques quelqu’hasardées qu’elles puissent paraître à la première vue. Qu’on se dise bien que ces prétendues abstractions, c’est nous-même, c’est notre passé, notre présent, notre avenir. Nos ennemis le savent bien, tâchons de le savoir comme eux. C’est parce qu’ils le savent, c’est parce qu’ils ont compris que tous ces pays, toutes ces populations qu’ils voudraient conquérir au système occidental, tiennent à la Russie historiquement parlant comme des membres vivants tiennent au corps dont ils font partie, qu’ils travaillent à relâcher, à rompre s’il est possible, le lien organique qui les rattache à nous.

Ils ont compris que tant que ce lien subsiste, tous leurs efforts pour éteindre dans ces populations la vie qui leur est propre resteraient éternellement stériles. Encore une fois le bût qu’on se propose est le même qu’au treizième siècle, mais les moyens différents. A cette époque l’Eglise latine voulait brutalement se substituer dans tout l’Orient Chrétien à l’Eglise orthodoxe; maintenant on cherchera à ruiner les fondements de cette Eglise par la prédication philosophique.

Au treizième siècle la domination de l’Occident prétendait s’approprier ces pays directement et les gouverner en son propre nom; maintenant faute de mieux on cherchera à y provoquer, à y favoriser l’établissement de petites nationalités bâtardes, de petites existences politiques, soi-disant indépendantes, vains simulacres bien mensongers, bien hypocrites, bons, tout au plus, à masquer la réalité, et cette réalité ce serait maintenant comme alors: la domination de l’Occident.


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