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Simenon, Georges - Maigret et son mort

На электронном книжном портале my-library.info можно читать бесплатно книги онлайн без регистрации, в том числе Simenon, Georges - Maigret et son mort. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. В онлайн доступе вы получите полную версию книги с кратким содержанием для ознакомления, сможете читать аннотацию к книге (предисловие), увидеть рецензии тех, кто произведение уже прочитал и их экспертное мнение о прочитанном.
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Maigret et son mort
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неизвестен
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16 октябрь 2019
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Simenon, Georges - Maigret et son mort

Simenon, Georges - Maigret et son mort краткое содержание

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Maigret et son mort читать онлайн бесплатно

Maigret et son mort - читать книгу онлайн бесплатно, автор Simenon

— Je ne m’en étonne pas outre mesure. J’ai vu le cas d’une noyée pour qui cela a pris six mois. Et c’était au temps de l’ancienne morgue, quand la réfrigération n’existait pas et quand un filet d’eau fraîche coulait seulement d’un robinet sur chaque corps !

Mme Maigret soupira, renonçant à le faire taire.

— Bref, vous êtes satisfait. Un homme a été tué et, après trois jours, non seulement nous n’avons aucune trace de l’assassin, mais nous ne savons rien de la victime.

— Je sais des tas de petites choses, monsieur le juge.

— Si petites, sans doute, qu’elles ne méritent pas de m’être communiquées, encore que je sois saisi de l’instruction.

— Tenez, par exemple. L’homme était coquet. Peut-être pas avec goût, mais coquet, comme l’indiquent ses chaussettes et sa cravate. Or, avec un pantalon gris et une gabardine, il portait des chaussures en chevreau noir, des chaussures très fines.

— Fort intéressant, en effet !

— Fort intéressant, oui. Surtout qu’il portait aussi une chemise blanche. N’auriez-vous pas pensé qu’un homme aimant les chaussettes mauves et les cravates à ramages aurait préféré une chemise de couleur, tout au moins rayée ou à petits dessins ? Entrez dans un bistrot comme ceux où il nous a conduits et où il semblait à son aise. Vous y verrez peu de chemises entièrement blanches.

— Vous en concluez ?

— Attendez. Dans deux de ces bistrots au moins – Torrence y est retourné – il a commandé une « Suze-citron » comme s’il en avait l’habitude.

— Nous connaissons donc ses goûts en matière d’apéritifs !

— Vous avez déjà bu de la Suze, monsieur le juge ? C’est une boisson amère, assez peu chargée en alcool. Ce n’est pas un de ces apéritifs que l’on sert à tout bout de champ, et j’ai eu l’occasion de remarquer que ceux qui l’ont adoptée sont, le plus souvent, des gens qui ne vont pas au café boire pour se donner le petit coup de gaieté de l’apéritif, mais ceux qui y vont professionnellement, les voyageurs de commerce, par exemple, obligés d’accepter de nombreuses tournées.

— Vous en déduisez que le mort était voyageur de commerce ?

— Non.

— Alors ?

— Attendez. Cinq ou six personnes l’ont vu, dont nous possédons les témoignages. Aucune d’entre elles ne nous en donne une description détaillée. La plupart parlent d’un petit bonhomme gesticulant. J’allais oublier un détail que Moers a découvert ce matin. C’est un garçon consciencieux. Il n’est jamais satisfait de son travail et il y revient de lui-même sans qu’on le lui demande. Eh bien ! Moers vient de découvrir que le mort marchait en canard.

— Comment ?

— En canard ! Les pointes des pieds en dehors, si vous préférez.

Il fit signe à Mme Maigret de lui bourrer une pipe et surveilla l’opération du coin de l’œil, recommandant par gestes de ne pas trop tasser le tabac.

— Je parlais donc des descriptions que nous avons de lui. Elles son vagues, et pourtant deux personnes sur cinq ont la même impression. « Je ne suis pas sûr..., dit le patron des Caves du Beaujolais. C’est imprécis... Pourtant, il me rappelle quelque chose... Mais quoi ? » Or ce n’est pas un acteur de cinéma. Pas même un figurant. Un inspecteur a fait le tour des studios. Ce n’est pas non plus un homme politique, ni un magistrat...

— Maigret ! s’exclamait sa femme.

Il allumait sa pipe, sans cesser de parler, entrecoupant les mots par des bouffées.

— Demandez-vous, monsieur le juge, à quelle profession ces détails peuvent correspondre.

— Je n’apprécie pas les charades.

— Quand on est forcé de garder la chambre, vous savez, on a le temps de réfléchir. J’allais oublier le plus important. On a, bien entendu, cherché dans des milieux différents. Les courses cyclistes et les matches de football n’ont rien donné. J’ai fait aussi questionner tous les tenanciers du P. M. U.

— Pardon ?

— Pari-Mutuel-Urbain... Vous connaissez ces cafés où l’on peut jouer aux courses sans se déranger... je ne sais pas pourquoi, je voyais bien mon bonhomme hanter les agences du P. M. U... Cela n’a rien donné non plus...

Il avait une patience angélique. On aurait dit qu’il étirait à plaisir cet entretien téléphonique.

— Par contre, aux courses, Lucas a eu plus de chance... Cela a été long... On ne peut parler de reconnaissance formelle... Toujours à cause des déformations du visage... N’oubliez pas non plus qu’on n’est pas habitué à voir les gens morts, mais vivants, et que le fait d’être transformé en cadavre change beaucoup un homme... Pourtant, sur les hippodromes, quelques personnes se souviennent de lui... Ce n’était pas un client du pesage, mais de la pelouse... D’après un marchand de tuyaux, il était assez assidu...

— Cela ne vous a néanmoins pas suffi pour découvrir son identité ?

— Non. Mais ça et le reste, tout ce que je vous ai raconté, me permet de dire, presque à coup sûr, qu’il était dans la limonade.

— La limonade ?

— C’est le terme consacré, monsieur le juge. Il englobe les garçons de café, les plongeurs, les barmen et même les patrons. C’est un mot professionnel pour désigner tout ce qui s’occupe de la boisson, à l’exclusion de la restauration. Remarquez que tous les garçons de café se ressemblent. Je ne dis pas qu’ils se ressemblent réellement, mais ils ont un air de famille. Cent fois il vous arrivera d’avoir l’impression de reconnaître un garçon que vous n’avez jamais vu.

« La plupart ont les pieds sensibles, ce qui se conçoit. Regardez leurs pieds. Ils portent des chaussures fines et souples, presque des pantoufles. Vous ne verrez jamais un garçon de café ou un maître d’hôtel avec des souliers de sport à triple semelle. Ils ont aussi, professionnellement, l’habitude des chemises blanches.

« Je ne prétends pas que ce soit obligatoire, mais il y en a un pourcentage important qui marche en canard.

« J’ajoute que, pour une raison qui m’échappe, les garçons de café ont un goût prononcé pour les courses de chevaux et que beaucoup d’entre eux, qui travaillent de bonne heure le matin, ou de nuit, fréquentent assidûment les hippodromes.

— Bref, vous concluez que notre homme était garçon de café.

— Non. Justement non.

— Je ne comprends plus.

— Il était dans la limonade, mais il n’était pas garçon de café. J’y ai pensé pendant des heures, en somnolant.

Chaque mot devait faire sursauter le juge, sculpté dans la glace.

— Tout ce que je viens de vous dire des garçons de café, en effet, s’applique aux patrons de bistrots. Ne me taxez pas de vanité, mais j’ai toujours eu l’impression que mon mort n’était pas un employé, mais plutôt quelqu’un d’établi à son compte. C’est pourquoi ce matin, à onze heures, j’ai téléphoné à Moers. La chemise se trouve toujours à l’Identité Judiciaire. Je ne me souvenais plus de l’état dans lequel elle était. Il l’a examinée à nouveau. Remarquez que le hasard nous a servi, car elle aurait pu être neuve. Il arrive à tout le monde de mettre une chemise neuve. Par chance, elle ne l’est pas. Elle est même passablement usée au col.

— Sans doute les patrons de bar usent-ils leur chemise au col ?

— Non, monsieur le juge, pas plus que les autres.

« Mais ils ne les usent pas aux poignets. Je parle des petits bars populaires et non des bars américains de l’Opéra ou des Champs-Elysées. Un patron de bar, qui doit sans cesse plonger les mains dans de l’eau et dans la glace, a toujours les manches retroussées. Or, Moers me l’a confirmé, la chemise, usée au col, usée au point de montrer la trame, ne porte aucune trace d’usure aux poignets.

Ce qui commençait à dérouter Mme Maigret, c’est qu’il parlait maintenant avec un air de profonde conviction.

— Ajoutez à cela la brandade...

— C’est aussi un goût spécial des patrons de petits bars ?

— Non, monsieur le juge. Seulement Paris est plein de petits bars où l’on sert à manger à quelques clients. Sans nappe, vous savez, à même la table. C’est souvent la patronne qui cuisine. On n’y trouve que le plat du jour. Dans ces bars-là, où il y a des heures creuses, le patron est libre une bonne partie de l’après-midi. C’est pourquoi, depuis ce matin, deux inspecteurs battent tous les quartiers de Paris, en commençant par celui de l’Hôtel de Ville et de la Bastille. Vous remarquerez que notre homme s’est toujours tenu dans ces parages. Les Parisiens sont farouchement attachés à leur quartier, à croire qu’il n’y a que là qu’ils se sentent en sûreté.

— Vous espérez une solution prochaine ?

— J’espère une solution tôt ou tard. Voyons ? Est-ce que je vous ai tout dit ? Il me reste à vous parler de la tache de vernis.

— Quelle tache de vernis ?

— Sur le fond du pantalon. C’est Moers, toujours, qui l’a découverte. Elle est pourtant à peine visible. Il affirme que c’est du vernis frais. Il a ajouté que ce vernis a été étendu sur un meuble voilà trois ou quatre jours. J’ai envoyé dans les gares, à commencer par la gare de Lyon.

— Pourquoi la gare de Lyon ?

— Parce que c’est comme le prolongement du quartier de la Bastille.

— Et pourquoi une gare ?

Maigret soupira. Bon Dieu ! que c’était long à expliquer ! Et comme un juge d’instruction peut manquer du sens le plus élémentaire des réalités ! Comment des gens qui n’ont jamais mis les pieds dans un bistrot, ni dans un P. M. U., ni sur la pelouse des champs de courses, comment des gens qui ne savent pas ce que signifie le mot limonade peuvent-ils se prétendre capables de déchiffrer l’âme des criminels ?

— Vous devez avoir mon rapport sous les yeux.

— Je l’ai relu plusieurs fois.

— Quand j’ai reçu le premier coup de téléphone, mercredi à onze heures du matin, il y avait déjà longtemps que l’homme avait quelqu’un sur les talons. Depuis la veille au moins. Il n’a pas pensé tout de suite à avertir la police. Il espérait s’en tirer par ses propres moyens. Pourtant il avait déjà peur. Il savait qu’on en voulait à sa vie. Il fallait donc qu’il évitât de se trouver dans des endroits déserts. La foule était sa sauvegarde. Il n’osait pas non plus rentrer chez lui, où on l’aurait suivi et abattu. Il existe, même à Paris, assez peu d’endroits ouverts toute la nuit. En dehors des cabarets de Montmartre, il y a les gares, qui sont éclairées et où les salles d’attente ne sont jamais vides. Eh bien ! les banquettes de la salle d’attente des troisièmes classes ont été revernies lundi, à la gare de Lyon. Moers déclare que le vernis est identique à celui du pantalon.

— On a questionné les employés ?

— Et on continue, oui, monsieur le juge.

— En somme, vous avez malgré tout obtenu quelques résultats.

— Malgré tout. Je sais aussi à quel moment notre homme a changé d’avis.

— Changé d’avis en quoi ?

Mme Maigret versait à son mari une tasse de tisane et lui faisait signe de la boire tant qu’elle était chaude.

— D’abord, comme je viens de vous le dire, il a espéré s’en tirer par ses propres moyens. Puis, mercredi matin, l’idée lui est venue de s’adresser à moi. Il a persisté dans cette voie jusqu’à quatre heures de l’après-midi environ. Que s’est-il passé alors ? Je l’ignore. Peut-être, après nous avoir lancé son dernier S. O. S., du bureau de poste du faubourg Saint-Denis, s’est-il figuré que cela ne servirait à rien ? Toujours est-il qu’une heure plus tard environ, vers cinq heures, il est entré dans une brasserie de la rue Saint-Antoine.

— Un témoin s’est donc présenté en fin de compte ?

— Non, monsieur le juge. C’est Janvier qui l’a déniché, à force de montrer la photographie dans tous les cafés et de questionner les garçons. Bref, il a commandé une Suze – et ce détail indique qu’il n’y a guère de chances d’erreur sur la personne – et il a réclamé une enveloppe. Pas du papier à lettres, mais seulement une enveloppe. Ensuite, tout en la fourrant dans sa poche, il s’est précipité vers la cabine téléphonique, après avoir pris un jeton à la caisse. Il a eu sa communication. La caissière a entendu le déclic.

— Et vous n’avez pas reçu ce coup de téléphone ?

— Non, avoua Maigret avec une sorte de rancune. Il ne nous était pas destiné. Il s’adressait ailleurs, comprenez-vous ! Quant à l’auto jaune...

— Vous en avez des nouvelles ?

— Vagues, mais qui concordent. Vous connaissez le quai Henri-IV ?

— Du côté de la Bastille ?

— Exactement. Vous voyez que tout se passe dans le même secteur, au point qu’on a l’impression de tourner en rond. Le quai Henri-IV est un des plus calmes, des moins fréquentés de Paris. On n’y trouve pas une boutique, pas un bar, rien que des maisons bourgeoises. C’est un jeune porteur de télégrammes qui a vu l’auto jaune, mercredi, à huit heures dix exactement. Il l’a remarquée parce qu’elle se trouvait en panne en face du numéro 63, où il avait justement un télégramme à remettre. Deux hommes étaient penchés sur le capot ouvert.

— Il a pu vous en donner le signalement ?

— Non. Il faisait noir.

— Il a relevé le numéro ?

— Non plus. C’est rare, monsieur le juge, que les gens pensent à relever le numéro des automobiles qu’ils rencontrent. Ce qui est important, c’est que la voiture était tournée vers le pont d’Austerlitz. C’est aussi qu’il était huit heures dix, étant donné que nous savons par l’autopsie que le crime a été commis entre huit et dix heures.

— Vous croyez que votre état de santé vous permettra bientôt de sortir ?

Le juge était un peu radouci, mais il ne voulait pas céder.

— Je ne sais pas.

— Dans quel sens, à présent, dirigez-vous l’enquête ?

— Dans aucun sens. J’attends. Il n’y a que cela à faire, n’est-il pas vrai ? Nous sommes au point mort. Nous avons fait, ou plutôt mes hommes ont fait tout ce qu’ils pouvaient. Il ne reste qu’à attendre.

— Attendre quoi ?

— N’importe quoi. Ce qui se présentera. Peut-être un témoignage ? Peut-être un fait nouveau ?

— Vous croyez que cela se produira ?

— Il faut l’espérer.

— Je vous remercie. Je vais rendre compte de notre conversation au procureur.

— Présentez-lui mes respects.

— Meilleure santé, monsieur le commissaire.

— Je vous remercie, monsieur le juge.

Quand il raccrocha, il était grave comme un dindon. Il observait du coin de l’œil Mme Maigret, qui avait repris son tricot et qu’il sentait en proie à une sourde inquiétude.

— Tu ne penses pas que tu es allé trop loin ?

— Trop loin en quoi ?

— Avoue que tu as plaisanté.

— Pas le moins du monde.

— Tu n’as pas cessé de te moquer de lui.

— Tu crois ?

Et il paraissait sincèrement étonné. C’est qu’au fond il avait parlé très sérieusement. Tout ce qu’il avait dit était exact, y compris le doute qu’il avait émis sur sa propre maladie. Cela lui arrivait de temps en temps, comme ça, quand une enquête n’avançait pas à son gré, de se mettre au lit ou de garder la chambre. On le dorlotait. On marchait à pas feutrés. Il échappait au va-et-vient et au vacarme de la P. J., aux questions des uns et des autres, aux cent tracasseries quotidiennes. Ses collaborateurs venaient le voir ou lui téléphonaient. Tout le monde se montrait patient avec lui. On s’informait de sa santé. Et, moyennant quelques tisanes qu’il buvait avec une moue, il obtenait quelques grogs de la sollicitude de Mme Maigret.


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