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Simenon, Georges - La tête dun homme

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Название:
La tête dun homme
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неизвестно
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неизвестен
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16 октябрь 2019
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Simenon, Georges - La tête dun homme

Simenon, Georges - La tête dun homme краткое содержание

Simenon, Georges - La tête dun homme - описание и краткое содержание, автор Simenon, читайте бесплатно онлайн на сайте электронной библиотеки My-Library.Info

Quand une cloche, quelque part, sonna deux coups, le prisonnier était assis sur son lit et deux grandes mains noueuses étreignaient ses genoux repliés. L'espace d'une minute peut-être il resta immobile, comme en suspens, puis soudain, avec un soupir, il étendit ses membres, se dressa dans la cellule, énorme, dégingandé, la tête trop grosse, les bras trop longs, la poitrine creuse. Son visage n'exprimait rien, sinon l'hébétude, ou encore une indifférence inhumaine. Et pourtant, avant de se diriger vers la porte au judas fermé, il tendit le poing dans la direction d'un des murs.

La tête dun homme читать онлайн бесплатно

La tête dun homme - читать книгу онлайн бесплатно, автор Simenon

— Parbleu !…

— Qu’est-ce que je dois faire ?…

— Va donc m’attendre au bar de la Coupole… Ne t’étonne de rien… Et surtout ne t’énerve pas…

— Je vous jure, commissaire…

A l’autre bout du fil, l’inspecteur Janvier, qui n’avait que vingt-cinq ans, faisait entendre une voix de gosse qui va éclater en sanglots.

— Allons ! à tout à l’heure…

Maigret raccrocha, décrocha…

— L’Hôtel George-V… Allô !… Oui… M. William Crosby est rentré ?… Non ! Ne le dérangez pas… A quelle heure, s’il vous plaît ? A trois heures ?… Avec Mrs Crosby ?… Je vous remercie… Allô !… Vous dites ? Il a donné ordre de ne pas le réveiller avant onze heures ?… Merci… Non ! Pas de commission… Je le verrai moi-même…

Le commissaire prit le temps de bourrer sa pipe, et même d’aller s’assurer qu’il y avait assez de charbon sur son feu.

A quelqu’un qui ne l’eût pas connu intimement, il eût donné à cet instant l’impression d’un homme sûr de lui, marchant sans hésiter vers un but inévitable.

Il bombait le torse, lançait la fumée de sa pipe vers le plafond. Comme le garçon de bureau lui apportait les journaux, il plaisanta gaiement.

Mais soudain, dès qu’il fut seul, il saisit le cornet de l’appareil téléphonique.

— Allô !… Lucas ne m’a pas demandé ?…

— Encore rien, commissaire…

Et les dents de Maigret se serrèrent sur le tuyau de sa pipe. Il était neuf heures du matin. Depuis la veille à cinq heures de l’après-midi, Joseph Heurtin avait disparu du boulevard Raspail, suivi par le brigadier Lucas.

Etait-il vraisemblable que ce dernier n’eût pas trouvé le moyen de téléphoner, ou de remettre un billet à un quelconque sergent de ville ?

Maigret trahit son arrière-pensée en demandant à l’appareil l’appartement de l’inspecteur Dufour, qui répondit lui-même.

— Cela va mieux ?…

— Je marche déjà dans l’appartement… Demain, j’espère passer au bureau… Mais vous verrez la cicatrice que cela fera !… Le docteur a enlevé le pansement, hier soir, et j’ai pu jeter un coup d’œil… A se demander comment je n’ai pas eu la tête fendue… Vous avez retrouvé l’homme, au moins ?

— T’inquiète pas… Allô !… Je raccroche, parce que j’entends qu’on sonne au standard et que j’attends une communication…

Il faisait une chaleur étouffante dans le bureau, dont le poêle était chauffé à blanc. Maigret ne s’était pas trompé. Au moment où il raccrochait, la sonnerie retentissait.

Et c’était la voix de Lucas.

— Allô !… C’est vous, patron ?… Ne coupez pas, mademoiselle… Police !… Allô ! Allô !…

— Je t’écoute… Où es-tu ?…

— A Morsang…

— Hein ?…

— Un petit village, à trente-cinq kilomètres de Paris, au bord de la Seine…

— Et… l’autre ?…

— En sûreté… Chez lui !…

— Morsang est près de Nandy ?…

— A quatre kilomètres… Je suis venu téléphoner ici pour ne pas donner l’éveil… Quelle nuit, patron !…

— Raconte…

— J’ai d’abord cru qu’on allait errer sans fin dans Paris… Il n’avait pas l’air de savoir où aller… A huit heures, nous étions arrêtés tous les deux devant une soupe populaire de la rue Réaumur et il a attendu sa pâtée pendant près de deux heures…

— Donc, plus d’argent…

— Ensuite il s’est remis à marcher… C’est inouï ce que la Seine peut avoir d’attrait pour lui… Il la suivait tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre… Allô !… Ne coupez pas !… Vous êtes toujours là ?…

— Continue…

Il a fini par se diriger vers Charenton, en suivant la berge… Je m’attendais à le voir se coucher sous un pont… Vrai ! il ne tenait plus debout… Eh bien ! non ! Après Charenton, cela a été Alfortville, où il a pris carrément la route de Villeneuve-Saint-Georges… Il faisait nuit. La route était détrempée… Il passait des voitures toutes les trente secondes… Si c’était à recommencer…

— Tu recommencerais !… Va toujours…

— C’est tout !… Trente-cinq kilomètres de la sorte… Vous vous rendez compte ?… Il s’est mis à pleuvoir tant et plus… Il ne s’apercevait de rien… A Corbeil, j’ai failli arrêter un taxi pour le suivre plus facilement… A six heures du matin, nous marchions toujours, l’un derrière l’autre, dans les bois qui vont de Morsang à Nandy…

— Il est rentré chez lui par la porte ?

— Vous connaissez l’auberge ?… Rien de luxueux… Un machin pour les rouliers, à la fois auberge, marchand de journaux, bistrot et bureau de tabac… Je crois même qu’on vend de la mercerie… Mais il a fait le tour par une venelle large d’un mètre, où il a sauté un mur… Je me suis rendu compte qu’il entrait dans un petit bâtiment où l’on doit coucher les bêtes…

— C’est tout ?

— A peu près… Une demi-heure plus tard, le père Heurtin est venu tirer les volets et ouvrir sa boutique… Il avait l’air calme… Je suis allé prendre un verre et il ne s’est pas montré ému le moins du monde… J’ai eu la chance, sur la route, de rencontrer un gendarme à vélo… Je lui ai demandé de crever son pneu et d’aller s’installer à l’auberge sous ce prétexte jusqu’à mon retour…

— Ça va !

— Vous trouvez ?… On voit bien que vous n’êtes pas crotté jusqu’aux reins… Mes chaussures sont aussi molles que des compresses… Ma chemise doit être trempée… Qu’est-ce que je dois faire ?…

— Tu n’as pas de valise, naturellement…

— Si j’avais dû encore transporter une valise !…

— Retourne là-bas… Raconte n’importe quoi, que tu attends un ami qui t’a donné rendez-vous…

— Vous allez venir ?

— Je n’en sais rien… Mais, si Heurtin nous échappe une fois encore, il y a de fortes chances pour que je saute…

Maigret raccrocha, regarda autour de lui d’un air désœuvré. Par la porte entrouverte, il appela le garçon de bureau.

— Ecoute, Jean ! Dès que je serai parti, tu téléphoneras au juge Coméliau pour lui dire… heu !… pour lui dire que tout va bien et que je le tiendrai au courant… Compris ?… Gentiment !… Avec beaucoup de formules de politesse…


A onze heures, il descendait de taxi en face de la Coupole. La première personne qu’il vit en poussant la porte fut l’inspecteur Janvier, qui, comme tous les débutants, croyait prendre un air dégagé en se cachant aux trois quarts derrière un journal déployé dont il ne tournait pas les pages.

Dans l’angle opposé, Jean Radek, qui agitait négligemment une cuiller dans son café crème.

Il était rasé de frais, portait une chemise propre, et peut-être même ses cheveux crépus avaient-ils été frôlés par le peigne.

Mais l’impression qui dominait, c’était une intense jubilation intérieure.

Le barman avait reconnu Maigret, s’apprêtait à lui adresser un signe d’intelligence. Janvier, derrière son journal, se livrait lui aussi à toute une mimique.

Radek rendit tout cela inutile en interpellant directement Maigret.

— Vous prenez quelque chose ?…

Il s’était levé à moitié. Il souriait à peine, mais il n’y avait pas un trait de son visage qui ne trahît une intelligence aiguë.

Maigret s’avança, large et lourd, saisit une chaise par le dossier, d’une main capable de la broyer, se laissa tomber.

— Déjà de retour ? fit-il en regardant ailleurs.

— Ces messieurs ont été très gentils. Il paraît que je ne serai pas appelé devant le juge de paix avant une quinzaine, tant les rôles sont encombrés… Mais il n’est plus l’heure du café crème… Que diriez-vous d’un verre de vodka avec des sandwiches de caviar ?… Barman !…

Celui-ci était rouge jusqu’aux oreilles. Il hésitait visiblement à servir son étrange client.

— J’espère que vous n’allez plus me faire payer d’avance, alors que je suis en compagnie !… poursuivit Radek.

Et il expliqua à Maigret :

— Ces gens-là ne comprennent rien… Imaginez-vous que, quand je suis arrivé, tout à l’heure, il ne voulait pas me servir… Il est allé chercher le gérant, sans rien dire… Le gérant m’a prié de sortir… J’ai dû poser de l’argent sur la table… Vous ne trouvez pas ça drôle ?…

Il disait tout cela avec gravité, d’un air presque rêveur.

— Remarquez que si j’étais un petit polichinelle quelconque, un gigolo comme vous avez pu en voir ici hier, on me ferait tout le crédit imaginable… Mais je suis un homme de valeur !… Alors, n’est-ce pas ?… Il faudra, commissaire, que nous parlions de cela un de ces jours, tous les deux… Vous ne comprendrez peut-être pas tout… Mais, quand même, vous vous classez déjà parmi les êtres intelligents…

Le barman posait sur la table les sandwiches de caviar, déclarait, non sans jeter un coup d’œil à Maigret :

— Soixante francs…

Radek sourit. Dans son coin, l’inspecteur Janvier était toujours embusqué derrière un journal.

— Un paquet d’Abdullah… commanda le Tchèque à cheveux roux.

Et tandis qu’on le lui apportait, il tirait ostensiblement d’une poche extérieure de son veston un billet de mille francs chiffonné, le lançait sur la table.

— Qu’est-ce que nous disions, commissaire ?… Vous permettez ?… Je me souviens soudain que je dois téléphoner à mon tailleur…

Le téléphone se trouvait au fond de la brasserie, qui avait plusieurs issues.

Maigret ne bougea pas. Seul Janvier, automatiquement, suivit l’homme à distance.

Et ils revinrent l’un derrière l’autre, comme ils étaient partis. Les yeux de l’inspecteur confirmaient que le Tchèque avait bien téléphoné à son tailleur.

VII


Le petit bonhomme

— Voulez-vous un avis précieux, commissaire ?

Radek avait baissé la voix, en se penchant vers son compagnon.

— Remarquez que je sais d’avance ce que vous allez penser ! Mais cela m’est tellement égal, voyez-vous !… Voici mon avis quand même, mon conseil, si vous préférez… Laissez ça tranquille !… Vous êtes en train de battre un beurre épouvantable…

Maigret était immobile, le regard braqué droit devant lui.

— Et vous continuerez à vous fourvoyer, parce que vous n’y comprenez rien…

Le Tchèque s’animait peu à peu, mais d’une façon sourde, très caractéristique. Maigret remarqua ses mains, qui étaient longues, d’une blancheur étonnante, piquetées de taches de son. Elles semblaient s’étirer, participer à leur façon à la conversation.

— Remarquez que ce n’est pas votre valeur professionnelle que je mets en doute ! Si vous n’y comprenez rien, mais là, rien de rien, c’est que, dès le début, vous avez marché sur des données faussées. Dès lors, tout est faux, n’est-ce pas ?… Et tout ce que vous découvrirez sera faux jusqu’au bout…

Par contre, les quelques points qui eussent pu vous servir de base vous ont échappé…

Un exemple ! Avouez que vous n’avez pas remarqué le rôle que joue la Seine dans cette histoire ! La villa de Saint-Cloud est au bord de la Seine ! La rue Monsieur-le-Prince est à cinq cents mètres de la Seine ! La Citanguette, où, d’après les journaux, le condamné s’est réfugié après son évasion, est au bord de la Seine ! Ses parents habitent Nandy, au bord de la Seine…

Les yeux du Tchèque riaient, tandis que le reste du visage restait grave.

— Vous voilà bien embarrassé, pas vrai ? J’ai l’air de me jeter dans le filet. Vous ne me demandez rien et je viens vous parler d’une affaire dans laquelle vous brûlez de m’inculper… Mais comment, pourquoi ?… Je n’ai rien à voir avec Heurtin !… Rien à voir avec Crosby !… Rien à voir non plus avec Mme Henderson, ni avec sa femme de chambre… Tout ce que vous pourriez relever contre moi, c’est qu’hier ce Joseph Heurtin est venu rôder par ici et qu’il semblait me guetter…

Peut-être est-ce exact, peut-être pas… Toujours est-il que j’ai quitté l’établissement sous la protection de deux agents…

Mais qu’est-ce que ça prouve ?

Je vous dis que vous n’y comprenez rien, que vous n’y comprendrez jamais rien…

Ce que je fais dans cette histoire-là ? Rien du tout ! Ou tout !…

Supposez un homme intelligent, plus qu’intelligent, qui n’a rien à faire, qui passe ses journées à penser et qui a l’occasion d’étudier un problème qui touche à sa spécialité. Car la criminologie et la médecine se touchent…

L’immobilité de Maigret, qui ne paraissait même pas écouter, l’énerva. Il haussa le ton.

— Eh bien ! qu’est-ce que vous en dites, commissaire ? Est-ce que vous commencez à admettre que vous vous fourvoyez ? Non ? Pas encore ? Permettez-moi encore de vous dire que vous avez eu tort, ayant un coupable en main, de le relâcher… Parce que, non seulement vous ne lui trouverez peut-être pas de remplaçant, mais celui-là pourrait bien vous échapper…

J’ai parlé tout à l’heure de bases faussées… En voulez-vous une nouvelle preuve ?… Et voulez-vous que je vous donne en même temps le prétexte qui vous est nécessaire pour m’arrêter ?…

Il avala sa vodka d’un trait, se renversa en arrière sur la banquette et plongea la main dans une poche extérieure de son veston.

Quand il la retira, elle était pleine de coupures de cent francs épinglés par paquets de dix. Il y avait dix paquets.

— Des billets neufs, remarquez-le ! Autrement dit, des billets dont il est facile d’établir la provenance… Cherchez ! Amusez-vous !… A moins que vous ne préfériez aller vous coucher, ce que je vous conseille…

Il se leva. Maigret resta assis et regarda Radek des pieds à la tête, en tirant un épais nuage de sa pipe.

Des consommateurs commençaient à arriver.

— Vous m’arrêtez ?…

Le commissaire n’était pas pressé de répondre. Il prit les billets, qu’il contempla avant de les mettre dans sa poche.

Enfin il se leva à son tour, avec tant de lenteur que le Tchèque eut une crispation des traits. Il lui posa doucement deux doigts sur l’épaule.

C’était le Maigret des grands jours, le Maigret puissant, sûr de lui, placide.

— Ecoute, mon petit bonhomme !…

Cela tranchait d’une façon savoureuse avec le ton de Radek, avec sa silhouette nerveuse, son regard pointu et pétillant d’une intelligence d’un tout autre genre.

Maigret avait vingt ans de plus que son interlocuteur, cela se sentait.

— Ecoute, mon petit bonhomme…

Janvier, qui avait entendu, faisait un effort pour ne pas rire, pour contenir sa joie de retrouver enfin son chef.

Et celui-ci se contentait d’ajouter avec la même désinvolture bonasse :

— On se retrouvera un jour ou l’autre, vois-tu !…

Là-dessus il salua le barman, enfonça ses mains dans ses poches et sortit.


— J’ai l’impression que ce sont ceux-là, mais je vais m’en assurer ! dit l’employé de l’Hôtel George-V en examinant les billets que Maigret venait de lui remettre.


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