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Simenon, Georges - Le port des brumes

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Название:
Le port des brumes
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неизвестно
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неизвестен
Дата добавления:
16 октябрь 2019
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Simenon, Georges - Le port des brumes

Simenon, Georges - Le port des brumes краткое содержание

Simenon, Georges - Le port des brumes - описание и краткое содержание, автор Simenon, читайте бесплатно онлайн на сайте электронной библиотеки My-Library.Info

Quand on avait quitté Paris, vers trois heures, la foule s’agitait encore dans un frileux soleil d’arrière-saison. Puis, vers Mantes, les lampes du compartiment s’étaient allumées. Dès Evreux, tout était noir dehors. Et maintenant, à travers les vitres où ruisselaient des gouttes de buée, on voyait un épais brouillard qui feutrait d’un halo les lumières de la voie. Bien calé dans son coin, la nuque sur le rebord de la banquette, Maigret, les yeux mi-clos, observait toujours, machinalement, les deux personnages, si différents l’un de l’autre, qu’il avait devant lui. Le capitaine Joris dormait, la perruque de travers sur son fameux crâne, le complet fripé. Et Julie, les deux mains sur son sac en imitation de crocodile, fixait un point quelconque de l’espace, en essayant de garder, malgré sa fatigue, une attitude réfléchie. Joris ! Julie !


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Le port des brumes читать онлайн бесплатно

Le port des brumes - читать книгу онлайн бесплатно, автор Simenon

Et les grains de maïs qui tombaient en pluie sur les marches de pierre bleue. Et une poule d’une voisine qu’elle repoussait du pied…

— Va-t’en manger chez toi, laNoiraude…

Dans la chambre à coucher, rien ! Un lourd silence ! Un silence blême et malsain comme le ciel de ce matin pluvieux.

Des gens qui avaient peur… Car ils avaient peur !… Tous !… Martineau ! La femme ! Le maire… Ils avaient peur chacun de son côté, eût-on dit… Chacun une autre peur !…

Alors Maigret devint solennel pour prononcer lentement, comme un juge :

— Je suis chargé par le Parquet de découvrir et d’arrêter l’assassin du capitaine Joris, blessé d’une balle de revolver au crâne et, un mois plus tard, empoisonné chez lui à l’aide de strychnine. L’un de vous a-t-il une déclaration à faire à ce sujet ?

Jusque-là, nul ne s’était aperçu que la pièce n’était pas chauffée. Or, soudain, on eut froid ! Chaque syllabe avait résonné comme dans une église. On eût dit que les mots vibraient encore dans l’air.

— … empoisonné… strychnine…

Et surtout la fin :

— L’un de vous a-t-il une déclaration à faire ?

Martineau, le premier, baissa la tête. Mme Grandmaison, les yeux brillants, regarda tour à tour son mari et le Norvégien.

Mais personne ne répondit. Personne n’osait soutenir le regard de Maigret qui se faisait pesant.

Deux minutes… Trois minutes… La vieille qui mettait des bûches sur le foyer à côté…

Et la voix de Maigret, à nouveau, volontairement sèche, dépouillée de toute émotion :

— Au nom de la loi, Jean Martineau, je vous arrête !

Un cri de femme. Mme Grandmaison avait un mouvement de tout son être vers Martineau, mais elle était évanouie avant d’avoir achevé son geste !

Farouche, le maire se tournait vers le mur.

Et Martineau poussait un soupir de lassitude, de résignation. Il n’osa pas se porter au secours de la femme évanouie.

Ce fut Maigret qui se pencha vers elle, qui chercha ensuite le broc d’eau autour de lui.

— Vous avez du vinaigre ? alla-t-il demander à la vieille.

Et l’odeur du vinaigre se mêla à l’odeur déjà si complexe de la bicoque.

Quelques instants plus tard, Mme Grandmaison revenait à elle et, après quelques sanglots nerveux, sombrait dans une prostration presque complète.

— Vous sentez-vous en état de marcher ?

Elle fit signe que oui. Elle marcha, en effet, d’une démarche saccadée.

— Vous me suivez, messieurs, n’est-ce pas ? J’espère que je puis compter, cette fois, sur votre docilité ?

La vieille les vit avec ahurissement traverser sa cuisine. Quand ils furent dehors seulement, elle courut à la porte, cria :

— Vous rentrerez déjeuner, monsieur Raymond ?

Raymond ! C’était la deuxième fois que ce prénom était prononcé. L’homme fit signe qu’il ne rentrerait pas.

Et les quatre personnages poursuivirent leur marche, traversèrent le village. Devant le bureau de tabac, Martineau s’arrêta, hésitant, dit à Maigret :

— Je vous demande pardon. Comme je ne sais pas si je reviendrai un jour, je voudrais ne pas laisser de dettes derrière moi. Je dois, ici, une communication téléphonique, un grog et un paquet de cigarettes.

Ce fut Maigret qui paya. On contourna l’église. Au bout du chemin creux, on trouva la voiture qui attendait. Le commissaire y fit monter ses compagnons, hésita sur l’ordre à donner au chauffeur.

— À Ouistreham. Vous vous arrêterez d’abord à la gendarmerie.

Pas un mot ne fut échangé pendant le parcours. Toujours de la pluie, un ciel uniforme, le vent qui peu à peu reprenait de la force et secouait les arbres mouillés.

En face de la gendarmerie, Maigret pria Martineau de descendre, donna ses instructions au brigadier.

— Gardez-le dans la chambre de force… Vous me répondez de lui. Rien de nouveau ici ?

— Le remorqueur est arrivé. On attend que la mer soit assez haute.

La voiture repartit. On devait passer près du port, et Maigret s’arrêta une fois de plus, descendit un moment.

Il était midi. Les éclusiers étaient à leur poste, car un vapeur était annoncé de Caen. La bande de sable, sur la plage, s’était rétrécie et les vagues blanches léchaient presque les dunes.

À droite, une foule qui assistait à un spectacle passionnant : le remorqueur de Trouville était ancré à moins de cinq cents mètres de la côte. Un canot s’approchait péniblement duSaint-Michel, que le flot avait à moitié redressé.

À travers les vitres de la voiture, Maigret vit que le maire suivait lui aussi ce spectacle des yeux. Le capitaine Delcourt sortait de la buvette.

— Ça ira ? questionna le commissaire.

— Je crois qu’on l’aura ! Depuis deux heures, des hommes sont en train de délester la goélette. Si elle ne casse pas ses amarres…

Et il regardait le ciel comme on regarde une carte, pour y lire les caprices du vent.

— Il faudrait seulement que tout soit fini avant le plein de la marée.

Il aperçut le maire et sa femme dans l’auto, les salua avec respect, mais n’en regarda pas moins Maigret d’un air interrogateur.

— Du nouveau ?

— Sais pas.

Lucas, qui s’avançait, avait, lui, du nouveau. Seulement, avant de parler, il attira son chef à l’écart.

— On a repris Grand-Louis.

— Hein ?

— Par sa faute !… Ce matin, les gendarmes de Dives ont remarqué des traces de pas dans les champs… Un homme qui avait marché droit devant lui en enjambant les haies… La piste conduisait à l’Orne, à l’endroit où un pêcheur tire d’habitude son canot à sec… Or, le canot était de l’autre côté de l’eau…

— Les gendarmes ont traversé ?

— Oui… Et ils sont arrivés sur la plage, à peu près en face de l’épave. Là-bas, au bord de la dune, il y a…

— Les ruines d’une chapelle !

— Vous savez ?

— La chapelle de Notre-Dame-des-Dunes…

— Eh bien ! on y a pincé Grand-Louis, qui était tapi là, occupé à surveiller les travaux de renflouement… Quand je suis arrivé, il suppliait les gendarmes de ne pas l’emmener tout de suite, de le laisser sur la plage jusqu’à ce que ce soit fini… J’ai accordé la permission… Il est là, menottes aux poings… Il donne des ordres, parce qu’il a peur qu’on ne perde son bateau… Vous ne voulez pas le voir ?

— Je ne sais pas… Peut-être, tout à l’heure.

Car il y avait les deux autres, ceux de la voiture, M. et Mme Grandmaison, qui attendaient toujours.

— Vous croyez qu’on finira par savoir la vérité ?

Et, comme Maigret ne répondait pas, Lucas ajouta :

— Moi, je commence à penser le contraire ! Ils mentent tous ! Ceux qui ne mentent pas se taisent, bien qu’ils sachent quelque chose ! À croire que tout le pays est responsable de la mort de Joris…

Mais le commissaire s’éloigna en haussant les épaules et en grommelant :

— À tout à l’heure !

Dans la voiture, il lança au chauffeur, à la grande surprise de celui-ci :

— À la maison !

On eût dit qu’il parlait de sa maison à lui, qu’il était le maître.

— La maison de Caen ?

À vrai dire, le commissaire n’y avait pas pensé. Mais cela lui donna une idée :

— À Caen, oui !

M. Grandmaison se renfrogna. Quant à sa femme, elle n’avait même plus de réflexes. Elle semblait se laisser aller au fil du courant sans lui opposer la moindre résistance.


De la porte de la ville à la rue du Four, on reçut cinquante coups de chapeau. Tout le monde semblait connaître la voiture de M. Grandmaison. Et les saluts étaient respectueux. L’armateur faisait figure d’un grand seigneur traversant son fief.

— Une simple formalité ! dit Maigret du bout des lèvres, comme l’auto s’arrêtait enfin. Vous m’excuserez de vous avoir amenés ici… Mais comme je vous l’ai dit ce matin, il est nécessaire que tout soit fini ce soir…

Une rue calme, bordée de ces graves hôtels particuliers qu’on ne trouve plus qu’en province. La maison, en pierres noircies, était précédée d’une tour. Et, sur la grille, une plaque de cuivre annonçait : Société anglo-normande de navigation.

Dans la cour, un écriteau avec une flèche : Bureaux.

Un autre écriteau, une autre flèche : Caisse.

Et un avis : Les bureaux sont ouverts de 9 à 16 heures.

Il était un peu plus de midi. On n’avait mis que dix minutes pour venir de Ouistreham. À cette heure-là, la plupart des employés étaient partis déjeuner, mais il en restait quelques-uns à leur poste, dans des locaux sombres, solennels, aux épais tapis, aux meubles Louis-Philippe.

— Voulez-vous regagner votre appartement, madame ? Tout à l’heure, je solliciterai sans doute l’honneur de quelques instants d’entretien.

Le rez-de-chaussée était occupé tout entier par les bureaux. Le vestibule était large, flanqué de lampadaires en fer forgé. Un escalier de marbre conduisait au premier étage, que les Grandmaison habitaient.

Le maire de Ouistreham attendait, hargneux, une décision de Maigret à son sujet.

— Qu’est-ce que vous voulez savoir ? murmura-t-il.

Et il releva le col de son manteau sur son visage, enfonça son chapeau pour empêcher ses employés de voir dans quel état les poings de Grand-Louis l’avaient mis.

— Rien de spécial. Je vous demande seulement la permission d’aller et venir, de respirer l’air de la maison.

— Vous avez besoin de moi ?

— Pas le moins du monde.

— Dans ce cas, vous me permettrez de rejoindre Mme Grandmaison.

Et le respect avec lequel il parlait de sa femme contrastait avec la scène du matin, dans la bicoque de la vieille. Maigret le regarda disparaître dans l’escalier, marcha vers le fond du corridor, s’assura que l’immeuble n’avait qu’une issue.

Il sortit, chercha un agent dans les environs, le posta à proximité de la grille.

— Compris ? Laissez sortir tout le monde, sauf l’armateur. Vous le connaissez ?

— Parbleu ! Mais… qu’est-ce qu’il a fait ? Un homme comme lui !… Savez-vous qu’il est président de la Chambre de commerce ?

— Tant mieux !

Un bureau à droite dans le vestibule : Secrétariat général. Maigret frappa, poussa la porte, renifla une odeur de cigare, mais ne vit personne.

Un bureau à gauche :Administrateur. Et c’était la même atmosphère résolument grave et solennelle, les mêmes tapis rouge sombre, les papiers de tenture plaqués de dorure, les plafonds à moulures compliquées.

L’impression que, là-dedans, nul n’oserait parler à voix haute. On imaginait des messieurs dignes, en jaquette et pantalon rayé, parlant avec componction tout en fumant de gros cigares.

L’affaire sérieuse, solide ! La vieille affaire de province, se transmettant de père en fils pendant des générations.

— M. Grandmaison ? Sa signature vaut de l’or en barre.

Or, Maigret était dans son bureau qui, celui-ci, était meublé en style Empire, plus convenable pour un grand patron. Sur les murs, des photographies de bateaux, des statistiques, des graphiques, des barèmes en plusieurs couleurs.

Or, comme il allait et venait, les mains dans les poches, une porte s’ouvrit, une tête de vieillard chenu se montra, effarée.

— Qu’est-ce que ?…

— Police ! laissa tomber Maigret aussi sèchement que possible, à croire qu’il le faisait par amour du contraste.

Et il vit le vieillard s’agiter, en proie à l’effarement le plus complet.

— Ne vous inquiétez pas. Il s’agit d’une affaire dont votre patron m’a chargé. Vous êtes bien…

— Le caissier principal, se hâta d’affirmer l’homme.

— C’est vous qui êtes dans la maison depuis… depuis…

— Quarante-deux ans. Je suis entré du temps de M. Charles.

— C’est bien cela. Et c’est votre bureau, à côté ? En somme, maintenant, c’est vous qui faites tout marcher, pas vrai ? Du moins à ce qu’on m’a dit.

Maigret jouait sur le velours. Il suffisait de voir la maison, puis ce vieux serviteur, pour tout deviner.

— C’est assez naturel, n’est-ce pas ? Quand M. Ernest n’est pas ici…

— M. Ernest ?

— Oui, M. Grandmaison, enfin. Je l’ai connu si jeune que je l’appelle toujours M. Ernest.

Maigret, sans en avoir l’air, entrait dans le bureau du vieux, un bureau sans luxe, où on sentait que le public n’était pas admis, mais où, par contre, les dossiers s’entassaient.

Sur la table encombrée, des sandwiches dans un papier. Sur le poêle, une petite cafetière fumante.

— Vous prenez vos repas ici, monsieur… Allons ! voilà que j’ai oublié votre nom…

— Bernardin… Mais tout le monde dit le père Bernard… Comme je vis tout seul, ce n’est pas la peine que j’aille déjeuner chez moi… Au fait… C’est au sujet du petit vol de la semaine dernière que M. Ernest vous a fait appeler ?… Il aurait dû m’en parler… Car, à l’heure qu’il est, c’est arrangé… Un jeune homme qui avait pris deux mille francs dans la caisse. Son oncle a remboursé… Le jeune homme a juré… Vous comprenez ?… À cet âge-là !… Et il avait eu de mauvais exemples sous les yeux…

— Nous verrons cela tout à l’heure. Mais, je vous en prie, continuez votre repas… En somme, vous étiez déjà l’homme de confiance de M. Charles, avant d’être celui de M. Ernest…

— J’étais caissier… À ce moment-là, il n’y avait pas encore de caissier principal… Je pourrais même dire que le titre a été créé pour moi…

— M. Ernest est le fils unique de M. Charles ?

— Fils unique, oui ! Il y avait une fille, qui a été mariée à un industriel de Lille, mais elle est morte en couches, en même temps que l’enfant…

— Mais M. Raymond ?

Le vieux leva la tête, s’étonna.

— Ah ! M. Ernest vous a dit ?…

Malgré tout, le vieux Bernard se montrait plus réservé.

— Il n’était pas de la famille ?

— Un cousin ! Un Grandmaison aussi… Seulement, il n’avait pas de fortune… Son père est mort aux colonies… Cela existe dans toutes les familles, n’est-ce pas ?

— Dans toutes ! affirma Maigret sans broncher.

— Le père de M. Ernest l’avait en quelque sorte adopté… C’est-à-dire qu’il lui avait fait une place ici.

Maigret avait besoin de précisions et il cessa de ruser.

— Un instant, monsieur Bernard ! Vous permettez que je fixe mes idées !… Le fondateur de l’Anglo-Normande est M. Charles Grandmaison… C’est bien cela ?… M. Charles Grandmaison a un fils unique, qui est M. Ernest, le patron actuel…

— Oui…

Le vieux commençait à s’effarer. Ce ton inquisiteur l’étonnait.

— Bon ! M. Charles avait un frère qui est mort aux colonies, laissant, lui aussi, un fils, M. Raymond Grandmaison.


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