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Simenon, Georges - Le port des brumes

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Название:
Le port des brumes
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неизвестно
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неизвестен
Дата добавления:
16 октябрь 2019
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Simenon, Georges - Le port des brumes

Simenon, Georges - Le port des brumes краткое содержание

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Quand on avait quitté Paris, vers trois heures, la foule s’agitait encore dans un frileux soleil d’arrière-saison. Puis, vers Mantes, les lampes du compartiment s’étaient allumées. Dès Evreux, tout était noir dehors. Et maintenant, à travers les vitres où ruisselaient des gouttes de buée, on voyait un épais brouillard qui feutrait d’un halo les lumières de la voie. Bien calé dans son coin, la nuque sur le rebord de la banquette, Maigret, les yeux mi-clos, observait toujours, machinalement, les deux personnages, si différents l’un de l’autre, qu’il avait devant lui. Le capitaine Joris dormait, la perruque de travers sur son fameux crâne, le complet fripé. Et Julie, les deux mains sur son sac en imitation de crocodile, fixait un point quelconque de l’espace, en essayant de garder, malgré sa fatigue, une attitude réfléchie. Joris ! Julie !


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Le port des brumes читать онлайн бесплатно

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« Et je me suis demandé comment, jusque-là, j’avais pu vivre sans mon fils… Est-ce que vous comprenez cela ?…

« J’ai acheté un bateau… Si j’avais agi ouvertement, mon cousin n’aurait pas hésité à me faire arrêter… Car il a conservé des preuves !…

« Vous avez vu mes hommes, de braves gens, malgré les apparences… Tout a été combiné…

« Ernest Grandmaison était seul chez lui ce soir-là, avec le gosse… Pour être plus sûr encore de réussir, pour mettre toutes les chances de mon côté, j’ai demandé son aide au capitaine Joris, que j’avais rencontré en Norvège, au temps où il naviguait…

« Il était connu du maire… Il lui rendrait visite sous un prétexte quelconque et détournerait son attention pendant que Grand-Louis et moi enlèverions mon fils…

« Hélas ! c’est ce qui a provoqué le drame… Joris était avec mon cousin dans le bureau… Nous, qui étions entrés par-derrière, avons eu le malheur de heurter un balai qui se trouvait dans le corridor…

« Grandmaison a entendu… Il s’est cru attaqué… Il a pris son revolver dans le tiroir…

Le reste ?… Je n’en sais rien… Une scène de désordre…

Joris suivait Grandmaison dans le corridor… Il n’y avait pas de lumière…

« Un coup de feu… Et le hasard a voulu que ce soit Joris qui le reçoive !…

« J’étais fou d’angoisse… Je ne voulais pas de scandale, surtout pour Hélène… Est-ce que je pouvais raconter toute cette histoire à la police ?…

« Grand-Louis et moi avons emmené le blessé à bord du Saint-Michel… Il fallait le faire soigner quelque part… Nous avons mis le cap sur l’Angleterre, où nous arrivions quelques heures plus tard…

« Hélas ! impossible de débarquer sans passeport… Et une police vigilante… Des factionnaires sur le quai…

« J’ai fait un peu de médecine, jadis… Je soignais Joris tant bien que mal, à bord, mais c’était insuffisant… J’ai fait appareiller pour la Hollande. Là, on a trépané le blessé, mais on ne pouvait pas le garder plus longtemps à la clinique sans avertir les autorités…

« Un voyage atroce !… Nous voyez-vous à bord, avec ce pauvre Joris à l’agonie ?…

« Il fallait un mois de repos, de soins… J’ai failli emmener la goélette en Norvège. Cela n’a pas été nécessaire, car le hasard nous a fait rencontrer un schooner qui allait aux îles Lofoten…

« Je m’y suis embarqué avec Joris… Nous étions plus en sûreté en mer qu’à terre…

« Il est resté chez moi huit jours. Mais, là encore, les gens commençaient à se demander qui était cet hôte mystérieux…

« Il a fallu repartir… Copenhague… Hambourg… Joris allait mieux… La blessure était cicatrisée, mais il avait perdu à la fois la raison et la parole…

« Qu’est-ce que je pouvais en faire, dites ?… Et n’aurait-il pas plus de chances de recouvrer la raison chez lui, dans un décor familier, qu’en courant le monde ?…

« J’ai voulu lui assurer tout au moins le bien-être matériel… J’ai envoyé trois cent mille francs à sa banque, en signant de son nom…

« Restait à le ramener !… Je risquais trop gros à venir ici, moi-même, avec lui… En le lâchant dans Paris, n’échouerait-il pas fatalement à la police, qui finirait par l’identifier et par le ramener chez lui ?…

« C’est ce qui est arrivé… Il n’y a qu’une chose que je ne pouvais pas prévoir : que mon cousin, pris de peur à l’idée que Joris était susceptible de le dénoncer, l’achèverait lâchement…

« Car c’est lui qui a mis la strychnine dans le verre d’eau… Il lui a suffi d’entrer dans la maison, par-derrière, en allant à la chasse aux canards…

— Et vous avez repris la lutte ! dit lentement Maigret.

— Je ne pouvais plus faire autrement ! Je voulais mon fils ! Seulement, l’autre était sur ses gardes. Le garçon était rentré à Stanislas, où on refuserait de me le confier…

Tout cela, Maigret le savait. Et maintenant, contemplant autour de lui ce décor qui lui était devenu familier, il comprenait mieux la valeur du combat qui s’était déroulé entre deux hommes, à l’insu de tous.

Non pas seulement un combat entre eux deux ! Mais un combat contre lui, Maigret !

Il ne fallait pas que la police intervînt ! Ni l’un ni l’autre ne pouvait dire la vérité !

— Je suis venu avec leSaint-Michel…

— Je sais ! Et vous avez envoyé Grand-Louis chez le maire…

Malgré lui, Raymond eut un sourire amusé tandis que le commissaire poursuivait.

— Un Grand-Louis féroce, qui s’est vengé de tous ses avatars précédents !… Il pouvait frapper, car il savait que sa victime n’oserait surtout pas parler !… Et il s’en est donné à cœur joie !… Par la menace, il a dû obtenir une lettre vous autorisant à retirer l’enfant du collège…

— Oui… J’étais derrière la villa, avec votre agent sur les talons… Grand-Louis a placé la lettre à un endroit convenu et je me suis débarrassé de mon suiveur… J’ai pris un vélo… À Caen, j’ai acheté une voiture… Il fallait faire vite… Pendant que j’allais chercher mon fils, Grand-Louis restait chez le maire pour l’empêcher de donner contre-ordre… Peine perdue, d’ailleurs, puisqu’il avait eu soin d’envoyer Hélène reprendre l’enfant avant moi…

« Vous m’avez fait arrêter…

« La lutte était finie… Il n’était plus possible de la poursuivre alors que vous vous obstiniez à découvrir la vérité…

« Il n’y avait plus qu’à fuir… Si nous restions, vous arriveriez fatalement à tout comprendre…

« D’où les scènes de la nuit dernière… La malchance ne nous a pas lâchés… La goélette s’est échouée… Nous avons eu grand-peine à gagner la terre à la nage, et le malheur a voulu que j’y perdisse mon portefeuille…

« Pas d’argent !… La gendarmerie à nos trousses !… Il ne me restait qu’une ressource : téléphoner à Hélène, lui demander quelques milliers de francs, de quoi nous permettre à tous quatre de gagner la frontière…

« En Norvège, je pouvais indemniser mes compagnons…

« Hélène est accourue…

« Mais vous aussi ! Vous que nous retrouvions sans cesse devant nous. Vous qui vous acharniez et à qui nous ne pouvions rien dire, à qui je ne pouvais pourtant pas crier que vous risquiez de provoquer de nouveaux drames !…

Une inquiétude passa soudain dans ses yeux et, d’une voix changée, il questionna :

— Est-ce que mon cousin s’est vraiment tué ?

Ne lui avait-on pas menti pour le faire parler ?

— Il s’est tué, oui, quand il a compris que la vérité était en marche… Et il l’a compris quand je vous ai arrêté… Il a deviné que je ne le faisais que pour lui donner le temps de réfléchir…

Ils avaient continué à marcher et soudain ils s’arrêtèrent en même temps. Ils étaient arrivés sur la jetée. Le Saint-Michel passait lentement, piloté par un vieux pêcheur qui maniait fièrement le gouvernail.

Un homme accourait, bousculait les badauds et était le premier à sauter sur le pont de la goélette.

Grand-Louis !

Il avait brûlé la politesse aux gendarmes, cassé la chaîne des menottes ! Il repoussait le pêcheur et saisissait lui-même le gouvernail.

— Pas si vite, sacrebleu !… Vous allez tout briser !… hurlait-il à l’adresse des gens du remorqueur.

— Et les deux autres ? demanda Maigret à son compagnon.

— Ce matin, vous étiez à moins d’un mètre d’eux. Ils sont cachés tous les deux dans la remise à bois, chez la vieille.

Lucas se frayait un passage dans la foule, s’approchait avec étonnement de Maigret.

— Vous savez ! on les tient !…

— Qui ?

— Lannec et Célestin…

— Ils sont ici ?

— Les gendarmes de Dives viennent de les amener.

— Eh bien ! dis-leur de les relâcher… Et qu’ils viennent tous les deux jusqu’au port…

En face, on voyait la petite maison du capitaine Joris et son jardin où la tempête de la nuit avait effeuillé les dernières roses. Derrière un rideau, une silhouette : celle de Julie, qui se demandait si c’était bien son frère qu’elle apercevait sur le bateau.

Autour de l’écluse, les hommes du port, groupés près du capitaine Delcourt.

— Des gens qui m’ont donné du mal, avec leurs réponses évasives ! soupira Maigret.

Raymond sourit.

— Ce sont des marins !

— Je sais ! Et les marins n’aiment pas qu’un terrien comme moi vienne s’occuper de leurs affaires !

Il bourrait sa pipe à petits coups d’index. Quand il l’eut allumée, il murmura, le front soucieux :

— Qu’est-ce qu’on va leur dire ?

Ernest Grandmaison était mort. Était-il nécessaire de révéler que c’était un assassin ?

— On pourrait peut-être… commença Raymond.

— Je ne sais pas, moi ! Dire qu’il s’agit d’une vieille vengeance ! Un marin étranger qui est reparti…

Les hommes du remorqueur se dirigeaient à pas lourds vers la buvette, faisaient signe aux éclusiers de les suivre.

Et Grand-Louis allait et venait sur son bateau, le tâtait partout comme il eût tâté un chien retrouvé, pour s’assurer qu’il n’était pas blessé.

— Dis donc !… lui cria Maigret.

Il sursauta, hésita à s’avancer, ou plutôt à quitter à nouveau sa goélette. Mais il aperçut Raymond en liberté, se montra aussi ahuri que Lucas.

— Qu’est-ce que… ?

— Quand le Saint-Michel pourra-t-il reprendre la mer ?

— Tout de suite si on veut ! Il n’a rien de cassé ! Un fameux bateau, je vous jure…

Son regard interrogeait Raymond, qui prononça :

— Dans ce cas-là va donc tirer une bordée avec Lannec et Célestin…

— Ils sont ici ?

— Ils vont arriver… Une bordée de quelques semaines… Assez loin… Qu’on ne parle plus du Saint-Michel dans le pays…

— Je pourrais, par exemple, emmener ma sœur pour faire la popote… Vous savez, la Julie n’a pas peur…

Il n’était quand même pas fier, à cause de Maigret. Il se souvenait des événements de la nuit. Il ne savait pas encore s’il pouvait en sourire.

— Vous n’avez pas eu trop froid, au moins ?

Il était au bord du bassin, où Maigret l’envoya barboter d’une bourrade.

— Je crois que j’ai un train à six heures… dit ensuite le commissaire.

Il ne se décidait pourtant pas à s’en aller. Il regardait autour de lui avec un rien de nostalgie, comme si le petit port lui eût déjà été cher.

Ne le connaissait-il pas dans tous ses recoins, sous tous ses aspects, sous le soleil frileux du matin et dans la tempête, noyé de pluie ou de brouillard ?

— Vous allez à Caen ? demanda-t-il à Raymond, qui ne le quittait pas.

— Pas tout de suite… Je crois que cela vaut mieux… Il faut laisser…

— Oui, le temps…


Quand, un quart d’heure plus tard, Lucas revint et s’informa de Maigret, on lui désigna la Buvette de la Marine, dont les lampes venaient de s’allumer.

Il vit le commissaire à travers les vitres embuées.

Un Maigret bien calé sur une chaise de paille, la pipe aux dents, un verre de bière à portée de la main, écoutant les histoires que racontaient autour de lui des hommes en bottes de caoutchouc et en casquette de marin.

Et, dans le train, vers dix heures du soir, le même Maigret soupira :

— Ils doivent être tous les trois dans le poste, bien au chaud…

— Quel poste ?

— À bord du Saint-Michel… Avec la lampe à cardan, la table entaillée, les gros verres et la bouteille de schiedam… Et le poêle qui ronfle… Donne-moi du feu, tiens !…


Ouistreham, à bord de « L’Ostrogoth », octobre 1931.


FIN

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