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Simenon, Georges - La nuit du carrefour

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Название:
La nuit du carrefour
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неизвестно
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неизвестен
Дата добавления:
16 октябрь 2019
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Simenon, Georges - La nuit du carrefour

Simenon, Georges - La nuit du carrefour краткое содержание

Simenon, Georges - La nuit du carrefour - описание и краткое содержание, автор Simenon, читайте бесплатно онлайн на сайте электронной библиотеки My-Library.Info

Quand Maigret, avec un soupir de lassitude, écarta sa chaise du bureau auquel il était accoudé, il y avait exactement dix-sept heures que durait l'interrogatoire de Carl Andersen.

On avait vu tour à tour, par les fenêtres ans rideaux, la foule des midinettes et des employés prendre d'assaut, à l'heure de midi, les crémeries de la place Saint-Michel, puis l'animation faiblir, la ruée de six heures vers les métros et les gares, la flânerie de l'apéritif.

La Seine s'était enveloppée de buée. Un dernier remorqueur était passé, avec feux verts et rouges, traînant trois péniches. Dernier autobus. Dernier métro. Le cinéma dont on fermait les grilles après avoir rentré les panneaux-réclame...

La nuit du carrefour читать онлайн бесплатно

La nuit du carrefour - читать книгу онлайн бесплатно, автор Simenon

— Mince de réunion de famille !… C’est pour une noce, ou pour l’ouverture d’un testament ?…

L’inspecteur expliquait à Maigret :

— C’est une chance de les avoir sans casse… En passant à Etampes, nous avons embarqué deux gendarmes qui avaient été alertés et qui avaient vu passer la voiture sans pouvoir l’arrêter… A cinquante kilomètres d’Orléans, les fuyards ont crevé un pneu. Ils se sont arrêtés au milieu de la route et ont braqué sur nous leurs revolvers… C’est le garagiste qui s’est ravisé le premier… Sinon, c’était une bataille en règle…

» Nous nous sommes avancés… L’Italien a quand même tiré deux balles de browning, sans nous atteindre…

— Dites donc ! Chez moi, je vous donnais à boire… Laissez-moi vous dire qu’il fait soif… remarqua M. Oscar.

Maigret avait fait chercher le mécanicien prisonnier dans le garage. Il eut l’air de compter son monde.

— Allez tous vous coller au mur ! commanda-t-il. De l’autre côté, Michonnet… Pas la peine d’essayer de vous rapprocher d’Else…

L’assureur lui lança un regard venimeux, alla se camper tout au bout de la file, avec ses moustaches tombantes et son œil qui enflait à la suite des coups de poing.

Venait ensuite le mécano dont les poignets restaient entravés avec du fil électrique. Puis la femme du garagiste, maigre et désolée. Puis le garagiste lui-même, qui était bien embêté de ne pouvoir mettre les mains dans les poches de son pantalon trop large. Enfin Else et l’Italien, qui devait être le joli cœur de la bande et qui avait une femme nue tatouée sur le dos de la main.

Maigret les regarda tour à tour, lentement, avec une petite moue satisfaite, bourra une pipe, se dirigea vers le perron et lança en ouvrant la porte vitrée :

— Prenez les noms, prénoms, profession et domicile de chacun, Lucas… Après, vous m’appellerez !

… Ils étaient debout tous les six. Lucas questionna en désignant Else :

— Faut-il lui mettre les menottes aussi ?

— Pourquoi pas ?…

Alors elle proféra avec conviction :

— Ça, c’est vache, commissaire !…

Le parc était tout plein de soleil. Des milliers d’oiseaux chantaient. Le coq d’un petit clocher de village, à l’horizon, étincelait comme s’il eût été tout en or.

X


A la recherche d’une tête

Quand Maigret rentra dans le salon, dont les deux portes-fenêtres ouvertes laissaient pénétrer des bouffées de printemps, Lucas achevait l’interrogatoire d’identité, dans une atmosphère qui n’était pas sans rappeler celle d’une chambrée de caserne.

Les prisonniers étaient toujours alignés contre un mur, mais dans un ordre moins parfait. Et ils étaient au moins trois qui ne se laissaient nullement impressionner par la police : M. Oscar, son mécanicien Jojo et l’Italien Guido Ferrari.

M. Oscar dictait à Lucas :

— Profession : mécanicien-garagiste. Ajoutez ex-boxeur professionnel, licence 1920. Champion de Paris poids mi-lourd en 1922…

Des inspecteurs amenèrent deux nouvelles recrues. C’étaient des ouvriers du garage qui venaient d’arriver comme chaque matin pour prendre le travail. On les colla au mur avec les autres. L’un d’eux, qui avait une gueule de gorille, se contenta de questionner d’une voix traînante :

— Alors ? On est faits ?…

Ils parlaient tous à la fois, comme dans une classe dont le professeur est absent. Ils se donnaient des coups de coude, lançaient des plaisanteries.

Il n’y avait guère que Michonnet à garder sa piteuse allure, à rentrer les épaules et à fixer hargneusement le plancher.

Quant à Else, elle regardait Maigret d’un air presque complice. Est-ce qu’ils ne s’étaient pas très bien compris tous les deux ? Quand M. Oscar risquait un mauvais calembour, elle souriait légèrement au commissaire.

D’elle-même, elle se mettait en quelque sorte dans une classe à part !

— Maintenant, un peu de silence ! tonna Maigret.

Mais, au même instant, une petite conduite intérieure stoppait au pied du perron. Un homme en descendait, vêtu avec recherche, l’air affairé, une trousse de cuir sous le bras. Il monta vivement les marches, parut étonné de l’atmosphère dans laquelle il pénétrait soudain, regarda les hommes alignés.

— Le blessé ?…

— Veux-tu t’en occuper, Lucas ?…

C’était un grand chirurgien de Paris, qui avait été appelé pour Carl Andersen. Il s’éloigna, le front soucieux, précédé par le brigadier.

— T’as pigé la gueule au toubib ?

Il n’y avait qu’Else à avoir froncé les sourcils. Le bleu de ses yeux s’était un peu délayé.

— J’ai réclamé le silence ! articula Maigret. Vous plaisanterez ensuite… Ce que vous semblez oublier, c’est qu’il y en a un d’entre vous au moins qui a des chances d’y laisser sa tête…

Et son regard alla lentement d’un bout de la file à l’autre. La phrase avait produit le résultat escompté.

Le soleil était le même, l’atmosphère printanière. Les oiseaux continuaient à piailler dans le parc et l’ombre du feuillage à frémir sur le gravier de l’allée.

Mais dans le salon on sentait que les lèvres étaient devenues plus sèches, que les regards perdaient leur assurance.

Michonnet, néanmoins, fut le seul à pousser un gémissement, tellement involontaire qu’il en fut le premier surpris et qu’il détourna la tête avec confusion.

— Je vois que vous avez compris ! reprit Maigret en commençant à arpenter la pièce, les mains derrière le dos. Nous allons essayer de gagner du temps… Si nous n’y réussissons pas ici, l’on continuera la séance au quai des Orfèvres… Vous devez connaître le local, pas vrai ?… Bon !… Premier crime : Isaac Goldberg est tué à bout portant… Qui est-ce qui a amené Goldberg au carrefour des Trois-Veuves ?…

Ils se turent, se regardèrent les uns les autres, sans aménité, tandis qu’on entendait, au-dessus des têtes, les pas du chirurgien.

— J’attends !… Je répète que la séance se poursuivra à la Tour pointue… Là, on vous prendra un à un… Goldberg était à Anvers… Il avait quelque chose comme deux millions de diamants à laver… Qui est-ce qui a soulevé cette affaire ?…

— C’est moi ! dit Else. Je l’avais connu à Copenhague. Je savais qu’il était spécialisé dans les bijoux volés. Quand j’ai lu le récit du cambriolage de Londres et que les journaux ont dit que les diamants devaient être à Anvers, je me suis doutée qu’il s’agissait de Goldberg. J’en ai parlé à Oscar…

— Ça commence bien ! grogna celui-ci.

— Qui est-ce qui a écrit la lettre à Goldberg ?

— C’est elle…

— Continuons. Il arrive pendant la nuit… Qui est à ce moment au garage ?… Et surtout qui est chargé de tuer ?…

Silence. Les pas de Lucas, dans l’escalier. Le brigadier s’adressa à un inspecteur.

— File à Arpajon chercher un médecin quelconque, pour assister le professeur… Rapporte de l’huile camphrée… Compris ?…

Et Lucas retourna là-haut tandis que Maigret, les sourcils froncés, regardait son troupeau.

— Nous allons reprendre plus loin dans le passé… Je crois que ce sera plus simple… Depuis quand t’es-tu établi receleur, toi ?…

Il fixait M. Oscar, que cette question parut moins embarrasser que les précédentes.

— Voilà ! Vous y venez ! Vous avouez vous-même que je ne suis qu’un receleur… Et encore !

Il était cabotin en diable. Il regardait tour à tour ses interlocuteurs et s’évertuait à amener un sourire sur leurs lèvres.

— Ma femme et moi, nous sommes presque des honnêtes gens. Hein ! ma cocotte ?… C’est bien simple… J’étais boxeur… En 1925, j’ai perdu mon titre, et tout ce qu’on m’a offert, c’est une place dans une baraque à la Foire du Trône !… Très peu pour moi !… On avait des bonnes fréquentations et des mauvaises… Entre autres un type qui a été arrêté deux ans plus tard mais qui, à ce moment-là, gagnait tout ce qu’il voulait dans la carambouille…

» J’ai voulu en tâter aussi… Mais comme j’ai été mécano dans mon jeune âge, j’ai cherché un garage… Mon idée de derrière la tête était de me faire confier des voitures, des pneus, du matériel, de revendre tout ça en douce et de filer en laissant la clé sur la porte… Je comptais ramasser dans les quatre cent mille, quoi !…

» Seulement, je m’y prenais trop tard… Les grandes maisons y regardaient à deux fois avant de donner de la marchandise à crédit…

» On m’a amené une bagnole volée pour la maquiller… Un gars que j’avais connu dans un bistrot de la Bastille… On n’imagine pas comme c’est facile !…

» Ça s’est dit à Paris… J’étais bien placé, rapport à ce que je n’avais guère de voisins… Il en est venu dix, vingt… Puis il en est arrivé une que je vois encore et qui était pleine d’argenterie volée dans une villa des environs de Bougival… On a caché tout ça… On s’est mis en rapport avec des brocanteurs d’Etampes, d’Orléans et même de plus loin…

» On a pris l’habitude… C’était le filon…

Et, se tournant vers son mécano :

— Il a découvert le coup des pneus ?

— Parbleu ! soupira l’autre.

— Tu sais que t’es rigolo, avec ton fil électrique ? On dirait que tu n’attends qu’une prise de courant pour te transformer en lampion !…

— Isaac Goldberg est arrivé dans sa voiture à lui, une Minerva… interrompit Maigret. On l’attendait, car il ne s’agissait pas de lui acheter les diamants, même à bas prix, mais de les lui voler… Et, pour les lui voler, il fallait le refroidir… Donc, il y avait du monde dans le garage, ou plutôt dans la maison qui est derrière…

Silence absolu ! C’était le point névralgique. Maigret regarda à nouveau les têtes une à une, aperçut deux gouttes de sueur sur le front de l’Italien.

— Le tueur, c’est toi, pas vrai ?

— Non !… C’est… c’est…

— C’est qui ?…

— C’est eux… C’est…

— Il ment ! hurla M. Oscar.

— Qui était chargé de tuer ?

Alors le garagiste, en se dandinant :

— Le type qui est là-haut, tiens donc !…

— Répète !

— Le type qui est là-haut !…

Mais la voix n’avait déjà plus autant de conviction.

— Approche, toi !…

Maigret désignait Else, et il avait l’aisance d’un chef d’orchestre qui commande aux instruments les plus divers en sachant bien que l’ensemble n’en fera pas moins une harmonie parfaite.

— Tu es née à Copenhague ?

— Si vous me tutoyez, on va croire que nous avons couché ensemble…

— Réponds…

— A Hambourg !

— Que faisait ton père ?

— Docker…

— Il vit toujours ?

Elle eut un frémissement des pieds à la tête. Elle regarda ses compagnons avec une sorte de trouble orgueil.

— Il a été décapité à Düsseldorf…

— Ta mère ?

— Elle se soûle…

— Que faisais-tu à Copenhague ?…

— J’étais la maîtresse d’un matelot… Hans ! Un beau gars, que j’avais connu à Hambourg et qui m’a emmenée… Il faisait partie d’une bande… Un jour, on a décidé de cambrioler une banque… Tout était prévu… On devait gagner des millions en une nuit… Je faisais le guet… Mais il y a eu un traître, car, au moment où, à l’intérieur, les hommes commençaient à s’attaquer aux coffres-forts, la police nous a cernés…

» C’était la nuit… On ne voyait rien… Nous étions dispersés… Il y a eu des coups de feu, des cris, des poursuites… J’ai été touchée à la poitrine et je me suis mise à courir… Deux agents m’ont saisie… J’en ai mordu un… D’un coup de pied dans le ventre, j’ai forcé l’autre à me lâcher…

» Mais on courait toujours derrière moi… Alors j’ai vu le mur d’un parc… Je me suis hissée… Je suis littéralement tombée de l’autre côté et, quand je suis revenue à moi, il y avait un grand jeune homme très chic, un garçon de la haute, qui me regardait avec un ahurissement mêlé de pitié…

— Andersen ?

— Ce n’est pas son vrai nom… Il vous le dira si cela lui convient… Un nom plus connu… Des gens qui ont leurs entrées à la Cour, qui vivent la moitié de l’année dans un des plus beaux châteaux du Danemark et l’autre moitié dans un grand hôtel particulier dont le parc est aussi grand que tout un quartier de la ville.

On vit entrer un inspecteur qui accompagnait un petit homme apoplectique. C’était le médecin requis par le chirurgien. Il eut un haut-le-corps en découvrant cette assemblée étrange, et surtout en apercevant des menottes à presque toutes les mains. Mais on l’entraîna au premier étage.

— Ensuite…

M. Oscar ricanait. Else lui lança un regard farouche, presque haineux.

— Ils ne peuvent pas comprendre… murmura-t-elle. Carl m’a cachée dans l’hôtel de ses parents et c’est lui-même qui m’a soignée, avec un ami qui étudiait la médecine… Il avait déjà perdu un œil dans un accident d’avion… Il portait un monocle noir… Je crois qu’il se considérait comme défiguré à jamais… Il était persuadé qu’aucune femme ne pourrait l’aimer, qu’il serait un objet de répulsion quand il lui faudrait retirer son verre noir et montrer sa paupière recousue, son œil artificiel…

— Il t’a aimée ?…

— Ce n’est pas tout à fait cela… Je n’ai pas compris du premier coup… Et ceux-là (elle désignait ses complices) ne comprendront jamais… C’était une famille de protestants… La première idée de Carl, au début, a été de sauver une âme, comme il disait… Il me faisait de longs discours… Il me lisait des chapitres de la Bible… En même temps, il avait peur de ses parents… Puis un jour, quand j’ai été à peu près rétablie, il m’a soudain embrassée sur la bouche, après quoi il s’est enfui… Je suis restée près d’une semaine sans le voir… Ou plutôt, par la lucarne de la chambre de domestique où j’étais cachée, je le voyais se promener des heures durant dans le jardin, tête basse, tout agité…

M. Oscar se tapait carrément les cuisses de joie.

— C’est beau comme un roman ! s’écria-t-il. Continue, ma poupée !…

— C’est tout… Quand il est revenu, il m’a dit qu’il voulait m’épouser, qu’il ne pouvait pas le faire dans son pays, que nous allions partir à l’étranger… Il prétendait qu’il avait enfin compris la vie, que désormais il aurait un but au lieu de rester un être inutile… Et tout, quoi !…

L’accent redevenait peuple.

— Nous nous sommes mariés en Hollande sous le nom d’Andersen… Ça m’amusait… Je crois même que j’y coupais aussi… Il me racontait des choses épatantes… Il me forçait à m’habiller comme ceci, comme cela, à bien me tenir à table, à perdre mon accent… Il me faisait lire des livres… Nous visitions des musées…

— Dis donc, ma cocotte ! lança le garagiste à sa femme, quand nous aurons fait notre temps de dur, on visitera les musées aussi, pas vrai ?… Et on se pâmera tous les deux, la main dans la main, devant la Joconde…


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