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Simenon, Georges - Un crime en Hollande

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Название:
Un crime en Hollande
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неизвестно
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неизвестен
Дата добавления:
16 октябрь 2019
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Simenon, Georges - Un crime en Hollande

Simenon, Georges - Un crime en Hollande краткое содержание

Simenon, Georges - Un crime en Hollande - описание и краткое содержание, автор Simenon, читайте бесплатно онлайн на сайте электронной библиотеки My-Library.Info

Quand Maigret arriva à Delfzijl, une après-midi de mai, il n'avait sur l'affaire qui l'appelait dans cette petite ville plantée à l'extrême nord de la Hollande que des notions élémentaires. Un certain Jean Duclos, professeur à l'université de Nancy, faisait une tournée de conférences dans les pays du Nord. A Delfzijl, il était l'hôte d'un professeur à l'Ecole navale, M. Popinga. Or, M. Popinga était assassiné et, si l'on n'accusait pas formellement le professeur français, on le priait néanmoins de ne pas quitter la ville et de se tenir à la disposition des autorités néerlandaises. C'était tout, ou à peu près. Jean Duclos avait alerté l'université de Nancy, qui avait obtenu qu'un membre de la Police Judiciaire fût envoyé en mission à Delfzijl. La tâche incombait à Maigret. Tâche plus officieuse qu'officielle et qu'il avait rendue moins officielle encore en omettant d'avertir ses collègues hollandais de son arrivée. Par les soins de Jean Duclos, il avait reçu un rapport assez confus, suivi d'une liste des noms de ceux qui étaient mêlés de près ou de loin à cette histoire. Ce fut cette liste qu'il consulta un peu avant d'arriver en gare de Delfzijl.

Un crime en Hollande читать онлайн бесплатно

Un crime en Hollande - читать книгу онлайн бесплатно, автор Simenon

Le calme était si intense qu’il surprenait, et que le coassement d’une grenouille, dans une mare lointaine faisait sursauter.

Le Baes parlait. Il n’élevait pas la voix. Mais on sentait qu’il martelait les syllabes, qu’il voulait être compris ou obéi. Tête basse, le jeune homme en costume d’aspirant écoutait. Il portait des gants blancs qui mettaient deux taches crues, les seules, dans le paysage.

Soudain, il y eut un appel déchirant. C’était un âne qui commençait à braire, derrière Maigret, dans un pré. Et cela suffit pour rompre le charme. Oosting regarda dans la direction de la bête, qui s’en prenait au ciel, aperçut Maigret, laissa errer son regard sur lui, sans broncher.

Il dit encore quelques mots à son compagnon, enfonça le court tuyau de sa pipe en terre dans sa bouche et se dirigea vers la ville.

Cela ne signifiait rien, ne prouvait rien. Maigret marchait, lui aussi, et tous deux cheminaient de conserve, chacun sur une rive de l’Amsterdiep.

Mais le chemin que suivait Oosting s’écartait bientôt de la berge. Le Baes ne tardait pas à disparaître derrière de nouveaux hangars. Pendant près d’une minute, on continua à entendre le martèlement lourd de ses sabots.

C’était la nuit, à un halo imperceptible près. Des lampes venaient de s’allumer dans la ville et le long du canal, où l’éclairage cessait au-delà de la maison des Wienands. L’autre rive, non habitée, restait dans l’ombre.

Maigret se retourna, sans savoir pourquoi. Il grogna, parce que l’âne lançait un nouvel hihan désespéré.

Et il vit au loin, plus loin que les maisons, deux petites taches blanches qui dansaient au-dessus du canal. C’étaient les gants de Cornélius.

Si l’on n’y prêtait attention, et surtout si l’on oubliait que la surface de l’eau était encombrée par les arbres, le spectacle était fantomatique. Ces mains qui s’agitaient dans le vide. Le corps qui se confondait avec la nuit. Et sur l’eau le reflet de la dernière lampe électrique.

On n’entendait plus les pas d’Oosting. Maigret s’achemina vers les dernières maisons, passa à nouveau devant celles des Popinga, puis devant celle des Wienands.

Il ne se cachait toujours pas, mais il savait qu’il devait lui aussi se confondre avec la nuit. Il suivait les gants des yeux. Il comprenait. Cornélius, pour ne pas faire le tour par Delfzijl, où il y avait un pont sur le canal, franchissait l’eau en s’aidant des troncs d’arbres qui formaient radeau. Au milieu, il avait un bond de deux mètres à faire. Les mains blanches s’agitèrent davantage, décrivirent une courbe rapide et l’eau clapota.

Quelques secondes plus tard, il marchait le long de la berge, suivi, à cent mètres à peine, par Maigret.

Ce fut inconscient de part et d’autre, et d’ailleurs Cornélius devait ignorer la présence du commissaire. Toujours est-il que, dès les premiers pas qu’ils firent, ils étaient en cadence, si bien que les crissements de la cendrée se confondaient.

Maigret s’en rendit compte, parce qu’à certain moment son pied buta et que pendant un dixième de seconde le synchronisme cessa d’être absolu.

Il ne savait pas où il allait. Et pourtant son pas devenait plus rapide à mesure que le jeune homme marchait plus vite. Mieux : il se sentait emporté peu à peu par une sorte de vertige.

Au début, les pas étaient longs, réguliers. Ils se raccourcissaient. Ils se précipitaient.

A l’instant précis où Cornélius passait devant le chantier de bois, un véritable concert de grenouilles éclata et il y eut un arrêt net.

Cornélius avait-il peur ? La marche reprit, mais plus irrégulière encore, avec parfois du flottement, d’autres fois, au contraire, deux ou trois pas si rapides qu’on eût pu croire qu’il allait courir.

Dès lors, ce fut fini du silence, car le chœur des grenouilles ne cessa plus. Il remplissait toute la nuit.

Et le pas s’accélérait. Le phénomène continuait : Maigret, à force de marcher à la cadence de son compagnon, sentait littéralement son état d’âme.

Cornélius avait peur ! Il marchait vite parce qu’il avait peur ! Il avait hâte d’arriver. Mais, quand il passait près d’une ombre aux contours étranges, tas de bois, arbre mort, buisson, son pied restait en l’air un dixième de seconde de plus.

Le canal tourna. Cent mètres plus loin, dans la direction de la ferme, c’était le court espace éclairé par les rayons du phare.

Et le jeune homme sembla trébucher sur cette lumière. Il se retourna. Il la traversa en courant, en se retournant encore.

Il l’avait dépassée et il se retournait toujours tandis que Maigret entrait tranquillement dans la zone lumineuse, de toute sa largeur, de tout son volume, de tout son poids.

L’autre ne pouvait pas ne pas le voir. Il s’arrêta. Le temps de reprendre son souffle. Il repartit.

La lumière était derrière eux. Devant, c’était une fenêtre éclairée : celle de la ferme. Le chant des grenouilles ne les suivait-il pas ? Ils avaient beau s’éloigner, il restait aussi proche, les enveloppait comme si les bêtes eussent été des centaines à les escorter.

Arrêt brusque, définitif, à cent mètres de la maison. Une silhouette se détacha du tronc d’un arbre. Une voix chuchota.

Maigret ne voulait pas retourner en arrière. C’eût été ridicule. Il ne voulait pas se cacher. Au surplus, il était trop tard puisqu’il avait traversé les rayons du phare.

On savait qu’il était là. Il alla de l’avant, lentement, dérouté de n’avoir plus un autre pas pour faire écho au sien.

L’obscurité était très dense, parce qu’il y avait des arbres à l’épais feuillage des deux côtés de la route. Mais il y avait un gant blanc sur quelque chose…

Une étreinte… La main de Cornélius derrière la taille d’une jeune fille, de Beetje…

Encore cinquante mètres tout au plus… Maigret remarqua un temps d’arrêt, tira des allumettes de sa poche, en fit flamber une pour allumer sa pipe, marquant ainsi sa position exacte.

Puis il s’avança. Les amoureux remuaient. Quand il ne fut plus qu’à dix mètres, la silhouette de Beetje se détacha, vint se camper au milieu de la route, le visage tourné vers lui comme pour l’attendre. Et Cornélius restait adossé à un tronc d’arbre.

Huit mètres…

La fenêtre de la ferme était toujours éclairée derrière eux. Un simple rectangle rougeâtre.

Soudain un petit cri rauque, indescriptible, un cri de peur, d’énervement, un de ces cris qui précèdent les sanglots, les larmes, comme un déclic.

C’était Cornélius qui pleurait, la tête dans les mains, collé à l’arbre comme pour se protéger.

Beetje était devant Maigret. Elle portait un manteau, mais le commissaire constata qu’en dessous elle était en chemise de nuit, qu’elle avait les jambes nues, les pieds nus dans des pantoufles.

— Il ne faut pas faire attention…

Elle était calme, elle ! Elle lança même à Cornélius un regard de reproche, d’impatience.

Il leur tournait le dos. Il essayait de se calmer. Il n’y parvenait pas et il avait honte de son émoi.

— Il est nerveux… Il croit…

— Que croit-il ?

— Que c’est lui qu’on va accuser…

Le jeune homme continuait à se tenir à l’écart. Il s’essuya les yeux. Est-ce qu’il n’allait pas s’enfuir à toutes jambes ?…

— Je n’ai encore accusé personne ! prononça Maigret pour dire quelque chose.

— N’est-ce pas ?…

Et, tournée vers son compagnon, elle lui parla en néerlandais. Maigret crut comprendre ou plutôt deviner :

— Tu vois ! Le commissaire ne t’accuse pas ! Il faut te calmer… C’est enfantin !…

Mais elle se tut brusquement. Elle resta immobile, à tendre l’oreille. Maigret n’avait rien entendu. Quelques secondes plus tard, il crut percevoir un craquement, lui aussi, dans la direction de la ferme.

Cela suffit à ranimer Cornélius, qui regarda tout autour de lui, les traits tirés, les sens en éveil.

Personne ne parlait.

— Vous avez entendu ?… fit Beetje dans un souffle.

Le jeune homme voulut s’avancer vers l’endroit d’où provenait le bruit, avec une bravoure de jeune coq. Sa respiration était forte.

Il était trop tard. L’ennemi était beaucoup plus près qu’on l’avait supposé.

C’est à dix mètres qu’une silhouette se dressait, reconnaissable au premier coup d’œil : celle du fermier Liewens, qui n’avait que des chaussons aux pieds.

— Beetje ! appela-t-il.

Elle n’osa pas répondre tout de suite. Mais, comme il répétait le nom, elle soupira craintivement :

— Ya !…

Liewens avançait toujours. Il passa d’abord devant Cornélius, qu’il feignit de ne pas voir. Peut-être n’avait-il pas encore aperçu Maigret ?

Toujours est-il que c’est devant celui-ci qu’il se campa, l’œil dur, les narines frémissantes de colère. Il se contenait. Il restait rigoureusement immobile. Quand il parla, ce fut en se tournant vers sa fille, et d’une voix incisive, assourdie.

Deux ou trois phrases. Elle resta tête basse. Alors il répéta plusieurs fois le même mot d’un ton de commandement et Beetje articula en français :

— Il veut que je vous dise…

Son père l’épiait, comme pour deviner si elle traduisait exactement son discours.

— … qu’en Hollande les policiers ne donnent pas de rendez-vous aux jeunes filles la nuit dans la campagne…

Maigret rougit comme cela lui était rarement arrivé. Un flot de sang chaud fit bourdonner ses oreilles.

L’accusation était tellement stupide ! Elle révélait une telle mauvaise foi !…

Car enfin, Cornélius était là, tapi dans l’ombre, l’œil inquiet, les épaules serrées !

Et le père devait quand même bien savoir que c’était pour lui que Beetje était sortie ! Alors ?… Que répondre ?… Surtout en passant par le truchement d’une traductrice !…

D’ailleurs on n’attendait même pas sa réponse ! Le fermier faisait claquer ses doigts, comme pour appeler un chien, montrait le chemin à sa fille, qui hésitait, qui se tournait vers Maigret, n’osait pas regarder son amoureux et marchait enfin devant son père.

Cornélius n’avait pas bougé. Il leva pourtant la main, peut-être pour arrêter le fermier au passage, mais il la laissa retomber. Le père et la fille s’éloignèrent. La porte de la ferme claqua un peu plus tard.

Est-ce que les grenouilles s’étaient tues pendant cette scène ? On n’eût pu l’affirmer, mais leur concert devint un vacarme assourdissant.

— Vous parlez le français ?

Cornélius ne répondit pas.

— Vous parlez le français ?

— Petit peu…

Il regardait haineusement Maigret, ne desserrant les dents qu’à regret, se tenait de travers comme pour donner moins de prise à une attaque.

— Pourquoi avez-vous si peur ?

Des larmes jaillirent, mais pas un sanglot. Cornélius se moucha longuement. Ses mains tremblaient. Peut-être allait-il avoir une nouvelle crise ?

— Vous craignez vraiment qu’on ne vous accuse d’avoir tué votre professeur ?…

Et Maigret ajouta d’une voix bourrue :

— Marchons !…

Il le poussa dans la direction de la ville. Il parla longuement, parce qu’il sentait que la moitié des mots échappaient à son interlocuteur.

— C’est pour vous que vous avez peur ?

Un gosse ! Un maigre visage, aux traits encore flous, à la peau pâle. Des épaules étroites dans l’uniforme collant. La casquette d’aspirant de marine achevait de l’écraser, d’en faire un gamin habillé en marin.

Et de la défiance dans toutes ses attitudes, dans l’expression de sa physionomie. Si Maigret eût parlé fort, sans doute eût-il levé les bras pour parer les coups !

Le brassard noir, pourtant, apportait une note sévère, pitoyable. N’était-ce pas un mois plus tôt que le gosse avait appris que sa mère était morte aux Indes, peut-être un soir que lui, à Delfzijl, était très gai, peut-être le soir du bal annuel de l’école ?

Il retournerait chez lui dans deux ans, avec le grade de troisième officier, et son père irait lui montrer une tombe déjà vieille, voire une autre femme installée à la maison.

Et la vie commencerait sur un grand vapeur : les heures de quart, les escales, Java-Rotterdam, Rotterdam-Java, deux jours ici, cinq ou six heures là…

— Où étiez-vous au moment où le professeur a été tué ?

Le sanglot jaillit, terrible, déchirant. Le gamin prit les deux revers de Maigret dans ses mains gantées de blanc qui tremblaient convulsivement.

— Pas vrai !… Pas vrai !… répéta-t-il une dizaine de fois pour le moins… Nein !… vous pas comprendre !… Pas… Non !… Pas vrai…

Ils se heurtaient à nouveau au pinceau laiteux du phare. La lumière les aveuglait, les sculptait, mettant tous les détails en relief.

— Où étiez-vous ?…

— Par là…

Par là, c’était la maison des Popinga, le canal qu’il devait avoir l’habitude de traverser en sautant de tronc d’arbre en tronc d’arbre.

Ce détail était grave. Popinga était mort à minuit moins cinq. Cornélius était rentré à son bord à minuit cinq.

Or, pour parcourir le chemin par la route normale, c’est-à-dire par la ville, il fallait près de trente minutes.

Mais six ou sept seulement en franchissant le canal de la sorte et en évitant le détour !

Maigret marchait, lourd et lent, à côté du jeune homme qui tremblait comme une feuille, et, au moment où retentit une fois encore le cri de l’âne, Cornélius tressaillit, pantela des pieds à la tête comme s’il eût été sur le point de s’enfuir à toutes jambes.

— Vous aimez Beetje ?

Silence obstiné.

— Vous l’avez vue revenir, après que votre professeur l’eut reconduite ?…

— Ce n’est pas vrai !… Pas vrai !… Pas vrai !…

Maigret fut sur le point de le calmer d’une bonne bourrade.

Et pourtant il l’enveloppa d’un regard indulgent, peut-être affectueux.

— Vous voyez Beetje tous les jours ?

Silence encore.

— A quelle heure devez-vous être rentré au bateau-école ?

— Dix heures… Sauf permission… quand j’allais chez le professeur, moi pouvoir…

— Rentrer plus tard ! Donc, pas ce soir ?…

Ils étaient au bord du canal, à l’endroit même où Cornélius l’avait traversé. Maigret, tout naturellement, se dirigea vers les troncs, posa le pied sur l’un d’eux, faillit tomber à l’eau parce qu’il manquait d’habitude et que le bois roulait sous sa semelle.

Cornélius hésitait.

— Allons ! Il va être dix heures…

Le gamin s’étonna. Il devait s’attendre à ne plus jamais revoir le bateau-école, à être arrêté, jeté en prison…

Et voilà que le terrible commissaire le reconduisait, prenait son élan pour bondir comme lui par-dessus les deux mètres d’eau du milieu du canal. Ils s’éclaboussèrent mutuellement. Sur l’autre rive, Maigret s’arrêta pour essuyer son pantalon.

— Où est-ce ?

Il n’était pas encore allé de ce côté. C’était un grand terrain vague situé entre l’Amsterdiep et le nouveau canal, large et profond, accessible aux bateaux de mer.


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